Anniversaire Folio : En septembre un folio à lire au moins une fois
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«La seule chose qu'il aima d'elle tout de suite, ce fut la voix. Une voix de contralto chaude, profonde, nocturne. Aussi mystérieuse que les yeux de biche sous cette chevelure d'institutrice. Bérénice parlait avec une certaine lenteur. Avec de brusques emballements, vite réprimés qu'accompagnaient des lueurs dans les yeux comme des feux d'onyx. Puis soudain, il semblait, très vite, que la jeune femme eût le sentiment de s'être trahie, les coins de sa bouche s'abaissaient, les lèvres devenaient tremblantes, enfin tout cela s'achevait par un sourire, et la phrase commencée s'interrompait, laissant à un geste gauche de la main le soin de terminer une pensée audacieuse, dont tout dans ce maintien s'excusait maintenant.»
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« Je suis un Américain, natif de Chicago ». Telles sont les premières lignes de ce roman écrit par Saul Bellow en 1953. Son personnage, Augie March, part au Mexique avec sa femme pour tenter d'échapper à la tutelle de Grandma Lausch, juive émigrée d'Odessa. Sur sa route et toujours en quête de lui-même, il va croiser un véritable self-made man ayant fait fortune « Einhorn », ou encore une actrice célèbre, des Trotskistes et bien d'autres personnages qui n'auront de cesse de vouloir son bien. Mais Augie n'est pas un fils d'immigrants avide de réussite comme les autres : il recherche avant tout la liberté et l'affranchissement de toutes contraintes. Roman libéral et humaniste qui capte l'essence même de ce qu'est l'Amérique du début du XX ème siècle, Les aventures d'Augie March est l'un des chefs-d'oeuvre du prix Nobel de littérature 1976.
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«Le chauffeur n'avait plus le loisir de ralentir... Immobile, le ventre à toucher le capot, les pieds joints, Fouquet enveloppa d'un mouvement caressant la carrosserie de la voiture qui filait contre lui ; un instant, il donna l'impression qu'il allait abandonner sa veste au flanc hérissé de l'auto, mais déjà celle-ci l'avait dépassé, et, coinçant son vêtement sous son bras, il libéra sa main droite pour saluer à la ronde les spectateurs qui s'exclamaient diversement. Ollé, dit-il...»
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Nouvelle édition révisée par Jean Pierre Bernès en 2018
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«Quand la sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence de la salle qui est monté vers moi, le silence, et cette singulière sensation que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait détourné les yeux. Je n'ai pas regardé du côté de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce que le président m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tête tranchée sur une place publique au nom du peuple français...»
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«Il était midi au coeur du désert de Mojave. Assis sur une valise de paille, Perry jouait de l'harmonica. Dick était debout au bord d'une grande route noire, la Route 66, les yeux fixés sur le vide immaculé comme si l'intensité de son regard pouvait forcer des automobilistes à se montrer. Il en passait très peu, et nul d'entre eux ne s'arrêtait pour les auto-stoppeurs... Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l'argent dans son porte-billets : un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert.»
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«- Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n'en dis pas de mal !... - T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres ! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C'est lui qui nous possède ! Quand on est pas sage, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C'est pas une vie... - Il y a l'amour, Bardamu ! - Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.»
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«Je m'empresse de dire que la guerre ça n'est pas beau et que, surtout ce qu'on en voit quand on y est mêlé comme exécutant, un homme perdu dans le rang, un matricule parmi des millions d'autres, est par trop bête et ne semble obéir à aucun plan d'ensemble mais au hasard. À la formule marche ou crève on peut ajouter cet autre axiome : va comme je te pousse ! Et c'est bien ça, on va, on pousse, on tombe, on crève, on se relève, on marche et l'on recommence. De tous les tableaux des batailles auxquelles j'ai assisté je n'ai rapporté qu'une image de pagaïe.» Blaise Cendrars rend hommage aux hommes qui se sont battus avec lui durant la Première Guerre mondiale et, tout en évoquant l'atrocité des carnages, nous offre une inoubliable leçon d'amitié et de courage.
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Traduction nouvelle suivie d'un texte de Rainer Werner Fassbinder
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Trilogie U.S.A. Tome 1 ; le 42e parallèle
John Dos passos
- Folio
- Folio
- 21 Novembre 2019
- 9782072836237
La grande trilogie de John Dos Passos, U.S.A., est considérée comme l'une des oeuvres les plus importantes de son époque. Prodigieux tableau des débuts du XX e siècle aux États-Unis, U.S.A. se compose de Le 42 e parallèle, 1919 et La grosse galette. Les personnages principaux en sont Charley Anderson, héros de la guerre qui veut s'enrichir vite, Margo Dowling, vedette de Hollywood, Mary French l'idéaliste, et aussi Sacco et Vanzetti dont le tome III raconte l'exécution. Dressant un portrait d'une extrême modernité de l'Amérique des années 1910-1930, l'auteur croise les fantasmes de ceux qui nourrissent envers elle des sentiments hostiles, et invente un genre romanesque nouveau. Dans le premier tome, Le 42 e Parallèle, Dos Passos fait vivre des personnages de toutes les classes sociales, introduit des actualités, des portraits au vitriol des célébrités du jour, des collages, des textes lyriques. Ainsi surgit la « comédie inhumaine » d'un monde collectif, où les tragédies individuelle se fondent dans le désespoir d'une époque, d'une société.
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«- Je ne puis plus aimer une femme. Je vais partir.Torrents de larmes, sanglots, spasmes, râles, agonie, mort, autre veillée funèbre.Femmes mortes. Dora, au loin, qu'étaient ses jours et ses nuits ? Assez. Femmes mortes. Il était mort aux femmes.Il attendit une heure. Le sanglot de Berthe ne finissait pas. Il se raidissait pour ne rien dire. Pas un mot. Il regardait autour de lui ce charmant décor, mort comme celui de sa chambre avec Pauline.»
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Il n'est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui. Cette fille, Annie Ernaux, refuse l'oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite «place au soleil». Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui lui disait : « Les livres, la musique, c'est bon pour toi. Moi, je n'en ai pas besoin pour vivre.» Ce récit dépouillé possède une dimension universelle.
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«oui je le hais je mourrais pour lui je suis déjà morte pour lui je meurs pour lui encore et encore chaque fois que cela se produit... pauvre Quentin elle se renversa en arrière appuyée sur ses bras les mains nouées autour des genoux tu n'as jamais fait cela n'est-ce pas fait quoi ce que j'ai fait si si bien des fois avec bien des femmes puis je me suis mis à pleurer sa main me toucha de nouveau et je pleurais contre sa blouse humide elle était étendue sur le dos et par-delà ma tête elle regardait le ciel je pouvais voir un cercle blanc sous ses prunelles et j'ouvris mon couteau.»
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«Dick Diver la regardait de ses yeux bleus et froids ; ses lèvres, tendres et fermes, disaient, d'un ton réfléchi et décidé : "Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu une fille qui ressemble vraiment, comme vous, à une fleur éclose." Plus tard, contre la poitrine de sa mère, Rosemary pleurait à chaudes larmes.
"Je l'aime, maman. Je l'aime à la folie. Je n'aurais jamais cru pouvoir éprouver un sentiment pareil pour quelqu'un. Et il est marié, et je l'aime, elle aussi. Oh, c'est sans espoir. Mais je l'aime tant!"» Années 1920. Rosemary Hoyt est une jeune actrice talentueuse en villégiature à Monte-Carlo. Elle fait la rencontre de Dick et Nicole Diver, un couple incarnant l'image même du bonheur.
Tendre est la nuit est l'histoire d'un amour aussi salvateur que destructeur, le chef-d'oeuvre romantique de F. Scott Fitzgerald.
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« La viande ! C'était l'aspiration la plus ancienne, la plus réelle, et la plus universelle de l'humanité. Il pensa à Morel et à ses éléphants et sourit amèrement. Pour l'homme blanc, l'éléphant avait été pendant longtemps uniquement de l'ivoire et pour l'homme noir, il était uniquement de la viande, la plus abondante quantité de viande qu'un coup heureux de sagaie empoisonnée pût lui procurer. L'idée de la "beauté" de l'éléphant, de la "noblesse" de l'éléphant, c'était une idée d'homme rassasié... »
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Parti des confins de la terre et de l'eau, Victor-Flandrin Péniel, portant au cou les larmes de son père dont le visage fut sabré en 1870 par un uhlan, et toujours accompagné d'une mystérieuses ombre blonde, viendra s'établir dans un hameau perdu au bout du territoire et encerclé de forêts où rôdent encore les loups. C'est dans ces terres frontalières, par où la guerre sans cesse refait son entrée au pays, et dans la vie et la mémoire des hommes, que Victor-Flandrin, dit Nuit-d'Or-Gueule-de-Loup, prendra femme, par quatre fois, et engendrera une nombreuse descendance, toute marquée par la gémellité et la violence de la passion.
Bien des romans d'aujourd'hui s'emploient à nous montrer les hommes et les femmes broyées par l'histoire. Mais, avec ce récit, cette terrible réalité se transfigure aux dimensions du légendaire, du conte fantastique.
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«- Depuis quelque temps, des pièces de fausse monnaie circulent. J'en suis averti. Je n'ai pas encore réussi à découvrir leur provenance. Mais je sais que le jeune Georges - tout naïvement je veux le croire - est un de ceux qui s'en servent et les mettent en circulation. Ils sont quelques-uns, de l'âge de votre neveu, qui se prêtent à ce honteux trafic. Je ne mets pas en doute qu'on abuse de leur innocence et que ces enfants sans discernement ne jouent le rôle de dupes entre les mains de quelques coupables aînés.»
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«Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'ai écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire.»Jean Giono.
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Une bande de garçons de six à douze ans se trouve jetée par un naufrage sur une île déserte montagneuse, où poussent des arbres tropicaux et gîtent des animaux sauvages. L'aventure apparaît d'abord aux enfants comme de merveilleuses vacances. On peut se nourrir de fruits, se baigner, jouer à Robinson. Mais il faut s'organiser. Suivant les meilleures traditions des collèges anglais, on élit un chef. C'est Ralph, qui s'entoure de Porcinet, «l'intellectuel» un peu ridicule, et de Simon. Mais bientôt un rival de Ralph se porte à la tête d'une bande rivale, et la bagarre entre les deux bandes devient rapidement si grave que Simon et Porcinet sont tués. Ralph échappe de justesse, sauvé par l'arrivée des adultes.
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Le Journal de Gombrowicz a été publié pour la première fois en Pologne en 1986 dans son Oeuvre complète. Interdit pendant le régime communiste, il avait toutefois pénétré en Pologne sous le manteau, apportant à ses lecteurs l'oxygène de la liberté.Le Journal est l'oeuvre de Gombrowicz la plus personnelle, la plus polonaise mais aussi la plus universelle. La défense de son moi n'est autre que la défense de l'individu à une époque où l'on niait son existence.Démystificateur mais humaniste, iconoclaste mais moraliste, Gombrowicz a posé sur le monde un regard neuf : la peinture, la musique, la littérature, la philosophie, le communisme, le catholicisme, la jeunesse, les femmes, les Juifs, les Argentins, la douleur, l'agonie, la mort. On y trouve aussi des récits de voyage, des textes lyriques ou humoristiques. D'une richesse incomparable - autobiographie en mouvement, essai et oeuvre d'art -, le Journal de Gombrowicz occupe une place unique dans la littérature contemporaine.
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«Ce matin, nous sommes tous arrivés à l'école bien contents, parce qu'on va prendre une photo de la classe qui sera pour nous un souvenir que nous allons chérir toute notre vie, comme nous l'a dit la maîtresse. Elle nous a dit aussi de venir bien propres et bien coiffés. C'est avec plein de brillantine sur la tête que je suis entré dans la cour de récréation...»
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Le Sang noir est l'histoire d'une journée de 1917, dans une ville provinciale de l'arrière. C'est à travers le calvaire du professeur de philosophie Merlin, dit Cripure (à cause de la Critique de la raison pure), le tableau d'une société de pharisiens, de grotesques, de haïssables, en face de gentils, de révoltés, de victimes.Cripure, lui, s'il a été un révolté, ne l'est plus guère. Il est la caricature d'un homme à la fin d'une civilisation, un homme extrêmement pitoyable. Moqué par ses élèves, vivant comme une gothon, sachant qu'une révolution se lève à l'Est, trop tard pour lui, haï par tous les patriotes de l'arrière, il veut se battre en duel, dans un dernier sursaut. Et, comme on le prive de ce duel et de son honneur, il ne lui reste plus que le suicide.Bien que retentissant des problèmes de 1917, Le Sang noir est un roman métaphysique, plus que politique. Cette dimension métaphysique et le foisonnement des personnages font du Sang noir le roman le plus dostoïevskien de la littérature française.
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«... ils commencèrent à prendre de l'altitude en direction de l'Est, semblait-il ; après quoi, cela s'obscurcit et ils se trouvèrent en pleine tempête, la pluie tellement drue qu'on eût cru voler à travers une cascade, et puis ils en sortirent et Compie tourna la tête et sourit en montrant quelque chose du doigt et là, devant eux, tout ce qu'il pouvait voir, vaste comme le monde, immense, haut et incroyablement blanc dans le soleil, c'était le sommet carré du Kilimandjaro. Et alors il comprit que c'était là qu'il allait.»Douze nouvelles d'Ernest Hemingway, prix Nobel en 1954.Un grand film avec Gregory Peck et Ava Gardner.
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«J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails.
Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue.» Alexis Jenni.