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Flogstad
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union carbide est un groupe industriel qui a connu une prospérité mondiale tout au long du xxe siècle, notamment dans le domaine de la chimie et de l'énergie. kjartan fløgstad en fait le personnage central de son roman grand manila : il décrit en effet les destins d'ouvriers d'une fonderie de sauda, au sud de la norvège, qui a longtemps appartenu à cette multinationale. vivant au rythme des machines comme des réjouissances et des drames familiaux, ces hommes ont vu souvent leurs enfants partir pour de nouveaux horizons, sans que ceux-ci s'affranchissent pourtant du réseau planétaire d'union carbide.
ce groupe est à l'origine de nombreuses catastrophes industrielles, notamment celle de bhopal en inde, en 1984. ces victimes oubliées ont inspiré le romancier, qui refuse pourtant tout manichéisme et établit son récit à hauteur d'hommes, dans toutes leurs contradictions. on découvre ainsi le sublime personnage de salme, poétesse finlandaise royaliste obligée de fuir son pays au moment de la guerre civile de 1918, qui deviendra une grande représentante du mouvement syndicaliste ouvrier dans l'amérique des années 1930.
le roman constitue un hommage bouleversant à la beauté des gestes accomplis par les ouvriers, à leur courage et leur virtuosité. grâce à ses talents de narration, fløgstad rend palpitant le phénomène de croissance industrielle à l'origine de l'enrichissement de groupes tels que union carbide tout en retranscrivant la brutalité de leur reconversion, dans un monde où la finance et la communication ont définitivement pris le pouvoir.
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« Seuls les plus forts et les plus purs étaient capables de tuer des femmes et des enfants et en sortir indemnes. » Nous sommes en 2008 en Allemagne : alors qu'Otto Nebelung enterre son ami et compagnon d'armes Paul Damaskus, fidèle défenseur du IIIe Reich, il se souvient de leur amitié.
Un lycée bourgeois dans les années 1930 à Munich. Heidegger officie en tant que professeur, Geghard Himmler est proviseur et l'élite toute entière regarde Adolf Hitler, le nouveau leader de l'Allemagne, comme un prophète. Puis la guerre éclate, une guerre au nom de l'Ordre nouveau qui érige l'homme aryen en être supérieur et condamne les êtres inférieurs à l'exil ou à la mort. 1950 : les nazis sont jugés, mais Otto et Paul, comme tant d'autres, parviennent à réintégrer de hautes fonctions au sein de l'administration allemande.
1960, en Norvège : le jeune Alf Magnus Mayen, fils adoptif d'un ancien collaborateur, décide de rentrer dans la police pour faire régner l'ordre et réparer l'irréparable. En pleine Guerre froide, l'ennemi communiste est partout et son élimination se pose comme le seul moyen de faire prospérer la démocratie et la paix. Grense Jakobselv, frontière entre la Norvège et l'Union soviétique, devient un lieu stratégique qu'il faut protéger à tout prix.
Deux voix, deux visions du monde qui s'entrechoquent. Dans cette lutte acharnée pour la vérité, où se trouve la frontière entre le bien et le mal ?
Kjartan Fløgstad nous livre un texte passionnant sur les deux idéologies qui ont dominé le xxe siècle. En nous plongeant dans la conscience d'hommes persuadés d'avoir oeuvré pour le bien, il nous permet d'apercevoir la folie tapie au fond de chaque homme ordinaire.
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Nous sommes en pleine récession économique des années 1930.
Hitler réarme, et, quelque part aux etats-unis, la décision est prise par les grands financiers d'entrer dans le jeu. la nécessité de renforcer l'acier profite à l'industrie norvégienne, et le petit paysan selmer hpysand trouve enfin du travail. il deviendra un militant fidèle de la social-démocratie comme, plus tard, son fils arnold, tandis que son neveu rasmus connaît un tout autre destin. bachelier préparant hec à bergen, il abandonne tout pour s'embarquer dans une folle aventure.
Les hoysand trouveront-ils leur eldorado ?
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Pyramiden ; portrait d'une utopie abandonnée
Kjartan Fløgstad
- Actes Sud
- Terres D'aventure
- 30 Mars 2009
- 9782742782710
Perdue sur l'archipel arctique du Svalbard, une ville russe abandonnée reflète les utopies communistes de l'après-guerre. Kjartan Fløgstad signe une réflexion sociale et politique mais aussi littéraire sur cette étrange et belle ville fantôme.
La ville s'appelle Pyramiden, en russe : Pyramide, du nom de la montagne qui la surplombe, et dont la pointe régulière est quasiment tout le temps dans le brouillard. Surréelle, abandonnée sur une côte perdue de l'archipel de Svalbard (dit aussi du Spitzberg), terre norvégienne perdue loin dans l'océan arctique, c'est un lieu vide, presqu'exclusivement minéral, mais riche en charbon et qui, on le sait depuis peu, voisine les plus riches gisements futurs de pétrole et de gaz. Un vague traité a laissé la Norvège administrer l'endroit mais l'exploitation par chacun y est théoriquement possible. Le réchauffement de la planète libère l'accès aux lieux. Les îles jusque là perdues sont un des enjeux majeurs de la géopolitique du 21e siècle.
Des Russes travaillaient déjà dans des mines au Svalbard en 1913, mais l'exploitation soutenue a commencé en 1920-1930, quand le trust Arktikugol a " acheté " aux Suédois, les lieux-dits Barentsburg, Grumant et Pyramiden. Plus ou moins abandonnée et rasée pendant la seconde guerre mondiale pour ne pas en permettre l'utilisation par les Allemands, Pyramiden reprit l'exploitation en 1947. Pratiquement deux mille personnes y habitaient, dans des conditions de rêve pour la Russie stalinienne : crèches, hôpitaux, salaires, vacances sur les rives de la mer Noire, tout était donné à ces lointains mineurs, avant-poste du communisme face à l'Ouest, même si la rentabilité laissait à désirer.
Les logements sont beaux, le site conçu par des architectes humains, de l'herbe a même été importée de Russie.
Mais en 1998, en quelques jours, toute la ville est évacuée. Elle en est là depuis : avec des livres sur les rayons de la bibliothèque, des bobines de film dans le cinéma, des jouets d'enfants dans la crèche, un ours, un renne et une mouette empaillés dans le musée polaire. Les quais industriels, les camions, les grues, les wagonnets de mine sont là aussi, comme en attente de la sirène qui va un jour faire réapparaître tout le monde.
Fourmillant de références culturelles que l'auteur pioche dans le folklore comme dans la littérature (Orwell, Kapuscinsky, Zola) ou la musique (Dylan, Lluis Lach, Woody Guthrie), et démêlant le pourquoi de la construction d'une telle utopie urbaine, cet essai interroge l'architecture moderniste aussi bien que les valeurs sacro-saintes du travail (le mineur étant l'archétype de l'ouvrier communiste victorieux face à l'avenir, mais aussi du travailleur en Occident dans les années 50). Sa réflexion politique, sur des bases marxistes datant des années soixante, est étrangement pertinente aujourd'hui, y compris dans toute sa simplicité :
" La politique dominait l'économie. Aujourd'hui, la relation est inversée. C'est l'économie, dans sa forme la plus brutale, qui dirige la politique. Le capital est passé de la production à la spéculation. Cela laisse peu de place à un projet culturel et social tel que Pyramiden, perdu dans un bout du monde ".
Dans le dernier quart du livre, Fløgstad élargit son propos aux autres villes industrielles du grand nord russe : Nikkel qu'il voyait de sa fenêtre, crachant ses fumées toxiques, ou Vorkuta, à l'origine un goulag, devenue symbole du succès industriel.
A notre époque du fric victorieux, dans une société qui voit s'accomplir l'absence totale de valeurs, il est intéressant d'entendre la réflexion de Fløgstad sur les utopies d'après la seconde guerre mondiale, quand le communisme n'était pas encore un mot creux ou rayé des dictionnaires. Elle résonne d'autant plus fort dans une ville plongée dans le silence total, vidée de tous ses habitants et perdue au bout du monde.