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Jacques Sivan
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La poésie motleculaire de Jacques Sivan ; choix de textes de 1983 à 2016
Jacques Sivan
- Al Dante
- 13 Octobre 2017
- 9782847617153
le chantier poétique de Jacques Sivan (1955-2016) est certainement l'un des plus passionnant qu'il nous est donné d'explorer. Inventeur d'une écriture motléculaire (une écriture désaffublée des conventions et des codes contre lesquels l'auteur nous invite à résister), Jacques Sivan réinvente une langue qui reflète la complexité plurielle du monde tout en témoignant de son rapport au monde, de son expérience de vivre. Ici la poésie est pensée en action. Cette ouvrage, qui continue autrement ce chantier, donne à lire un important choix de textes écrits entre 1983 et 2016, sorte de bibliothèque portative qui permet d'appréhender toute la singularité de cette oeuvre. En ouverture, les préfaces de Vannina Maestri, Jennifer K. Dick, Jean-Michel Espitallier, Emmanuèle Jawad, Luigi Magno et Gaëlle Théval nous offrent quelques pistes de lecture pour mieux aborder cette poésie hors du commun, notamment en pointant les liens affirmés entre cet univers poétique et ceux d'ainés tels que Denis Roche
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Jacques Sivan, pour raconter son rapport au réel, a créé une langue qui n'appartient qu'à lui : un genre d'écriture phonétique désaffublée de toute règle imposée, une langue qui serait incarnée, rendue charnelle par sa confrontation au monde.
Dans Des vies sur deuil polaire, Jacques Sivan invente une autre planète peuplée, comme la Terre, d'individus mortels. Il en dresse le portrait de quelques-uns. Chaque portrait est fragmenté et parasité par une écriture qui tient autant d'une langue « autre » que du brouillage sonore, un brouillage qui serait provoqué par le frottement d'une autre temporalité, d'une autre dimension. Et pourtant : les habitants de cette autre planète peuvent aisément nous faire penser que nous avons affaire à une décalque assez exacte de notre propremonde. Comme si lamise en abime ici instaurée par cet effet demiroir nous permettait, non sans un certain vertige, de mieux comprendre le fonctionnement de notre monde.
Et d'ailleurs, entre l'écriture « lisible» et celle a priori « illisible », est-on sûr de savoir reconnaître celle qui serait « la notre », et celle qui viendrait « d'ailleurs » ?
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Jacques, prénom "courant" si il en est, est également, comme on le comprendra en lisant le livre, la racine de "jacquerie" (au sens d'insurrection) ; et bonhomme est l'anonyme, le "tout le monde", au sens populaire du terme. Les deux auteurs se digèrent et se fondent dans l'insurrection anonyme, la jacquerie qui monte "d'en bas" (n'est-ce pas ce qui remue, ce qui se travaille dans la matière même de la poésie de ces deux auteurs? Dans l'écriture désincarnée de Jacques Sivan, comme dans la matière populaire et "art pauvre" de la poésie de Charles Pennequin ?).
Ainsi le titre du livre est sa signature ; et la signature, le sens même du livre.
Et c'est bien ce que raconte cet ouvrage, tant dans son "histoire" que dans sa matière même : une révolte qui traverse les histoires, des jacqueries paysannes d'antan qui se confrontent à nos trop actuelles banques omnipotentes, comme la tristement célèbre "Goldman Sachs Group, Inc." (nommée ici "Goldman Sack banque").
Une poésie/science fiction/graphique d'un genre nouveau, qui bouscule encore une fois nos habitudes de lectures.
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L'acteur géographique (le narrateur) de Pendant Smara construit, sous la forme d'un journal, un espace à la fois physique et mental. Progression difficile, interminable, crevassée çà et là par des flashes prenant la forme de bribes d'observations, d'annotations, de locutions banales, de réflexions sociologiques, économiques, etc.
Mais si un basculement s'opère au moment où Smara - ville fantôme réelle ou illusoire - apparaît, alors tous ces discours, qui tentent chacun à sa façon de réinventer une réalité toujours chaotique, peuvent s'affirmer - tandis que l'acteur géographique s'épuise, se détraque.
S'interrogeant sur l'hétérogénéité constitutive de la langue, Jacques Sivan continue à explorer ici ses potentialités visuelles et phonétiques en l'envisageant sous l'angle de la réévaluation et de la reconstruction perpétuelle d'un sujet forcément contextuel, qu'il qualifie de « motléculaire ».
Son écriture performative et visuelle, désafublée de toute contrainte stylistique, s'inscrit dans la continuité des recherches poétiques formelles issues des avant-gardes.
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Vous avez en mains un outil de production permettant à tous de se téléréaliser en paramétrant constamment cet outil - à moins que ça ne soit aussi l'inverse - et ce, en fonction de contextes, vitesses et intensités variables. C'est la raison pour laquelle nous vous informons que, déjà, et pour une durée inconnue, tous les aspects et événements de votre vie quotidienne alimentent (selon l'évolution des modalités et, dans la mesure du possible, selon vos propres modalités et capacités émettrices / réceptrices) UNIVERSAL REAL TV qui, dans le même temps, vous produit.
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L'oeuvre testamentaire de Jacques Sivan : une poésie en action, visuelle et typographique dans laquelle la personnalité de l'auteur s'incarne au travers du personnage central, Arborijake, cyborg aborigène parlant la langue originelle et celle à venir. Un ouvrage sur le corps et sa réincarnation par le langage, objectif de cette mission partagée par le poète et son lecteur.
Notre Mission est le dernier ouvrage écrit par Jacques Sivan. Ici, est rendue manifeste la multiplicité des identités de (des ?) l'auteur(s), à commencer par le personnage central, Arborijake, à la fois cyborg (qui utiliserait une langue à venir) et aborigène (qui utiliserait une langue originelle), comme pour bien signifier que le geste poétique se trouve dans ce mouvement-là, d'une langue qui se transmuerait dans le temps de sa création. Dans Notre mission, l'auteur ne serait pas seulement le fabriquant d'une machine textuelle, mais serait lui-même machine textuelle, d'une machine qui serait « jacquerie », mise en fonctionnement de tous les jacques qui forment le corps de la poésie sivannienne.
Dans Notre mission, « ... à l'instar des ouvrages précédents de Sivan, la page devient l'espace visuel et sonore qui fonctionne comme un axe autour duquel des textes et des visuels tournent, se combinent et se re-combinent inlassablement. Ainsi Notre Mission est et restera en constante évolution. Comme Similijake, Alias Jacques Bonhomme et Pendant Smara, Notre Mission est crevassée par des interjections, des flashes publicitaires, des notes critiques, des fragments d'études socio-politiques, socio-économiques ».
Mais il est également peuplé par des réflexions sur le corps, sa biologie, ses douleurs, sa mortalité et ses fonctionnements, et par des idées empruntées des ouvrages (livres et films) littéraires, techniques, cybernétiques et de science-fiction. Sivan, face à sa propre mort, se réincarne via Aborijak, et se projette au-delà du moment de sa fin biologique dans une existence que nous continuerons à créer pour lui par « les interconnections » de ce qu'il appelle « mon environnement et votre quotidien ». Ainsi, nous explique-t-il : « votre regard m'exorbite me redistribue = processus indispensable pour réussir notre mission à savoir l'acquisition pour moi d'un nouveau type de conscience à la fois plurielle et augmentée ».
Cette nouvelle existence, cette vie augmentée, se fait par « ces couleurs et ces jeux typographiques [qui] rythment visuellement le texte ». On se trouve dans une musique-optique (parfois cacophonique ou comme un bruit blanc, une musique parasitique et singulière).
Ainsi, on se retrouve dans un texte ouvert, criblé de paradoxes où, dans son « objectif premier [qui] est de réactiver la langue, de lui donner la capacité d'être l'autre qu'elle est » - comme Sivan l'a dit dans son entretien avec Jacques Arnould - il va aussi « produire l'autre lecteur et, pourrait-on dire, l'autre poète ». C'est ainsi qu'Aborijak déclare : « mes modules c'est entendu ne sont pas des réalités toutes faites mais des constructions en constante évolution [...] pendant cette relation que nous sommes en train tous deux de construire avec la possibilité d'amplifier de diminuer de détourner à ma guise toutes mes sensations et émotions selon les tâches que je devrai accomplir ou les différentes circonstances qui enrichissent et modifient ce que j'imagine être ma vie. » Comme ce texte de Sivan le demande, c'est maintenant à nous de : « s'ouvrir » à Notre Mission, celle décrite par le sous-titre du livre (Vous allez accomplir ici avec moi la mission la plus importante de ma vie), puisque, comme Aborijak nous dit : « quelques fois je me dis que le simple fait d'exister est quelque chose d'énorme - ces petits moments de bonheur je les vis la plupart du temps lorsque déposé à l'intérieur de mon sarcophage dans l'attente d'une prochaine mission ». (Jennifer K. Dick, Extrait de « Le corps toujours autre dans les sonorités visuelles de Jacques Sivan », in La poésie motléculaire de Jacques Sivan, Al Dante, 2016).
Jacques Sivan a travaillé sur ce livre jusqu'aux derniers instants, insistant sur son désir qu'il soit publié. Dans cette optique, il a créé dans son ordinateur un fichier contenant la dernière mouture du texte publiable dans l'état, les indications nécessaires à sa publication, tous les éléments visuels et une prémaquette que nous avons le plus fidèlement possible restituée ici.
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Dernier telegramme d'al jack - quotidien culturel subventionne par le ministere de la medecine legal
Jacques Sivan
- Dernier Telegramme
- 20 Mars 2008
- 9782917136072
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C'est de l'écriture qu'il est question dans cette suite de textes en forme d'essai, de l'écriture comme entité autonome, vivante ;
De l'écriture comme évidence d'elle-même. Car ce qui est donné à lire, sous la forme «achevée» de l'écrit, c'est la vivacité de la langue, c'est sa renaissance permanente, son dépassement et tout ensemble sa recomposition.
Certains écrivains ont fait de ce rapport au vivant indocile de la langue l'enjeu même de leur oeuvre. Ainsi trouverons-nous côte-à-côte, au fil de cette exploration rigoureuse, des auteurs que l'on ne s'attendrait guère à voir ainsi rapprochés : C. Olson, A. Épiscopi, J. Joyce, H. Von Kleist, O. Cadiot, G. Luca, C. E. Gadda, E. Savitzkaya, F. Ponge, M. Roche, A. Rimbaud, P. Guyotat, S. Mallarmé, A. Artaud, et pour finir, M. Duchamp. C'est, écrit Jacques Sivan, «ce déhanchement, ce fonctionnement de guingois, ce jeu à la fois visible et audible du moteur-écriture que je veux rendre manifeste. [...] Il résulte de l'ensemble un objet kaléidoscopique aux multiples effets d'éclairage, de perspective, de mise en relief, mais aussi de tramage, de réseau, de circulation et d'échos.»
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