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Josef Winkler
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Pendant des décennies, dans les Alpes de Carinthie, en Autriche, la famille de Josef Winkler a cultivé un champ dans lequel avait été enseveli l'un des pires criminels nazis, Odilo Globocnik, principal responsable du massacre des Juifs autrichiens. Il fut enterré là sans sépulture après son suicide, en 1945.
Les Winkler, comme tout le village, se seront donc nourris au fil des ans de pains confectionnés avec les céréales récoltées là, sans que le père, qui savait tout, en dise un mot.
Dans une langue pleine de fulgurances, quasi incantatoire, l'auteur répond ici au besoin impérieux de s'adresser une dernière fois à son père disparu et de nommer ce qui a été passé sous silence, pour que cesse enfin de triompher la culture de la mort dans laquelle il a été élevé. -
Pendant qu'il écrit son troisième roman, Langue maternelle, qui paraîtra en 1982, Josef Winkler loue une chambre dans une ferme de montagne de Carinthie. Il noue alors une relation de confiance avec sa logeuse, qui se met à lui raconter sa vie : née en 1928 en Ukraine, elle est arrivée en Autriche à l'âge de quinze ans, amenée de force avec sa soeur par l'armée allemande pour travailler dans une exploitation agricole.
C'est à Nietotchka Vassilievna Iliachenko que l'écrivain donne la parole dans la plus grande partie de ce livre. le lecteur suivra ainsi le destin douloureux de la jeune paysanne dont la famille fut éprouvée par les expropriations massives, puis par l'Holodomor, « l'extermination par la faim » infligée à l'Ukraine par le pouvoir soviétique.
Une figure, celle de la mère qu'elle n'a jamais revue, domine cette autobiographie d'une intensité bouleversante et dont Josef Winkler a tenu à préfacer la traduction française. Elle est accompagnée de documents authentiques : les lettres de la mère à ses deux filles.
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Le livret du pupille Jean Genet
Josef Winkler
- Verdier
- Litterature Allemande
- 26 Septembre 2019
- 9782378560331
Ce livre est un témoignage de reconnaissance de l'écrivain autrichien à l'égard de Jean Genet pour le rôle fondamental qu'il a joué dans sa création. C'est aussi une percée sensible dans le monde imaginaire qui les rapproche.
Si une grande part de la vie de Genet n'est pas abordée ici, c'est que l'ouvrage est surtout une évocation des puissants effets de la lecture de son oeuvre. Winkler s'attache à rechercher ce qu'il a trouvé de lui-même dans la personna- lité et l'écriture de Genet : la marque funeste du catholicisme, le goût de la théâtralité, la marginalité, la violence des métaphores. Au fil des chapitres, il prolonge ce qu'il emprunte au destin de Genet en évoquant les proscrits et les réprouvés : condamnés à la réclusion ou à la mort, enfants emprisonnés, homosexuels...
L'un des aspects les plus fascinants de ce livre est sans doute la manière dont se tissent les phrases de Winkler et celles de Genet. La citation, très présente, souligne la continuité entre les oeuvres et surtout le caractère obsessionnel et initiatique de cette lecture, qui explore les événements qui ont déclenché en chacun des deux l'entreprise d'écrire.
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Tout commence en Inde, à Ellorâ, où le narrateur déambule sans fin dans des temples bouddhistes creusés dans le roc. De temps à autre, il se plonge dans la lecture du bref journal d'Ilse Aichinger, Kleist, Mousse, Faisans. Une phrase le transporte soudain en 1943, le jour où son grand-père reçoit un courrier lui annonçant qu'Adam, le troisième de ses fils, est mort au front, comme ses deux frères avant lui.
La mère du narrateur apprend la triste nouvelle par cette formule elliptique : « Notre Adam rentre aussi, mais autrement. » Un profond silence s'étend alors sur le domaine familial.
De toute sa vie, la mère du narrateur - récemment décédée - ne parlera plus. Mère et le crayon lui est tout entier consacré, et dépeint différentes scènes de sa vie, entrecoupées d'extraits du Malheur indifférent, de Peter Handke, et du récit autobiographique de Peter Weiss, Adieu aux parents.
Six ans après Requiem pour un père, Josef Winkler nous livre aujourd'hui son « requiem pour une mère ».
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Rien ne destinait josef winkler, fils de paysans autrichiens, né dans une ferme des alpes de carinthie en 1953, à devenir l'un des grands écrivains de sa génération.
Rien, sinon une secrète et farouche volonté de témoigner de la cruauté du monde dans lequel il a grandi, de l'asservissement des êtres aux codes de la religion. pour résister à la violence du monde qui l'entoure, le jeune écrivain s'est cherché et a trouvé très tôt des alliés : jean genet, kafka, dostoïevski, julien green sont quelques-uns des écrivains sous l'invocation desquels il a placé son oeuvre.
En autriche, et surtout en allemagne oú il publie tous ses livres, josef winkler s'est d'abord fait connaître par une suite de romans d'inspiration autobiographique, qui ont rendu célèbre le village dans lequel il a grandi, incendié par des enfants au dix-neuvième siècle et rebâti en forme de croix, en signe d'expiation. révélé en france par la traduction de son cinquième roman, le serf, il a montré depuis qu'il était capable de décrire avec la même force baroque et visionnaire la misère et la splendeur des rues de naples (cimetière des oranges amères) ou les bûchers funèbres de l'inde (sur la rive du gange).
Il était temps de faire découvrir au public français le livre qui, quelques années avant le serf a marqué le sommet de la première période de l'oeuvre de josef winkler. paru en 1982, langue maternelle reste à ce jour le plus symphonique de ses livres : une symphonie oú les principaux thèmes devenus familiers à ses lecteurs (le sexe, la mort et les rituels funéraires, la souffrance animale, le poids de culpabilité que le catholicisme fait peser sur les hommes) atteignent, par la vertu incantatoire de l'écriture, à une intensité proche de l'hallucination.
Avec langue maternelle, l'auteur a donné à la langue allemande une forme nouvelle de " saison en enfer ". après de nombreuses distinctions, dont le prix alfred dôblin, josef winkler vient de se voir décerner en 2008 le prix büchner, la plus haute distinction des lettres allemandes, pour l'ensemble de son oeuvre.
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Sur la rive du Gange, depuis des temps immémoriaux, se déroule chaque jour le rituel immuable de l'incinération des morts, ou celui, réservé aux êtres purs - enfants et saints - de l'immersion dans le fleuve. De ces cérémonies, les domras sont les officiants : leur caste veille sur le feu sacré qui sert à allumer tous les bûchers. Sur les Ghâts où ont lieu les crémations, il est interdit de Filmer, de photographier et même de dessiner, quoique les animaux y circulent librement et que les cendres des morts, une fois les bûchers éteints, ne fassent l'objet d'aucun soin particulier. Il n'est pas interdit de prendre des notes ; pourtant, en décrivant minutieusement les spectacles terribles et grandioses qui s'offrent à lui, mêlés aux réalités les plus triviales de la vie quotidienne, le narrateur fasciné sait qu'il ruse avec l'interdit. Comme à Naples et à Rome dans Cimetière des oranges amères et Natura morta, ses précédents livres, Josef Winkler emporte en Inde le memento mori qui traverse toute son oeuvre. Écrit à la lueur des bûchers funèbres, Sur la rive du Gange est un grand livre sur l'Inde, baigné de joie tragique, où le romancier relève le défi qu'il s'est lancé depuis qu'il écrit : celui de ne jamais fermer les yeux face aux réalités les plus terribles de la vie.
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Dans Cimetière des oranges amères, Josef Winkler partait pour l'Italie, non sans emporter avec lui les souvenirs de son pays natal, la Carinthie.
C'est là, dans le village en forme de croix déjà familier des lecteurs du Serf, qu'il revient pour ce récit. Les paysans carinthiens avaient coutume, pour éloigner les insectes, de badigeonner leurs chevaux d'un liquide à l'odeur nauséabonde fabriqué à partir d'ossements d'animaux. Maximilien, le narrateur, s'inspire de cette étrange coutume pour définir sa tâche d'écrivain : ramasser les ossements des morts que le village voudrait oublier, et rendre justice à leurs vies sacrifiées.
A leur mémoire, il compose en faisant appel à ses propres souvenirs et à ceux de son père nonagénaire, une symphonie funèbre dont les thèmes sont les récits de trente-six destins au dénouement tragique, jusqu'à la scène finale où trois vieillards échangent avec nostalgie leurs souvenirs de guerre au cours d'un repas de la Toussaint. Cet épilogue donne au livre une portée politique (d'autant plus forte quand on sait que la Carinthie est la base électorale de l'extrême-droite autrichienne) mais les citations des Litanies de Satan de Baudelaire qui ponctuent le récit attestent que la question du Mal est ici posée, aussi bien, sur un plan métaphysique.
Ecrit dans une langue flamboyante, traversé de scènes hallucinées, Quand l'heure viendra est l'un des sommets de l'oeuvre de Josef Winkler : un triomphe de la mort qui saisit tout le tragique du vingtième siècle à travers le microcosme d'un village carinthien.
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Parcourant un marché non loin de la gare Termini, à Rome, le regard du narrateur s'attarde sur une vaste nature morte comme les peintres de jadis aimaient à en offrir, et sur des scènes de genre qui n'ont guère changé depuis des siècles bouchers et volaillers, marchands de légumes et de fruits, mendiants, tsiganes et éclopés qui peuplent le décor de la tragédie qui va se dérouler en quelques instants.
À l'étal du marchand de poisson, un adolescent, Piccoletto, attire le regard du narrateur qui observe de loin ses relations avec les aînés, avec sa mère, avec les garçons et les filles du même âge. Retrouvé par hasard au terme d'une autre promenade dans Rome qui mène jusqu'au Vatican, Piccoletto devient pour Josef Winkler, et pour nous, en quelques pages, une figure familière, l'incarnation d'une beauté promise à la mort qui viendra le surprendre, absurde et grandiose, donnant au titre de ce livre un sens inattendu.
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Cimetière des oranges amères
Josef Winkler
- Verdier
- Litterature Allemande
- 1 Novembre 1998
- 9782864322887
Fuyant son village natal de Carinthie, dans le sud de l'Autriche, dont il décrivait l'intolérance et la cruauté dans le Serf, Josef Winkler se réfugie en Italie et tente, par l'écriture, de lutter contre les démons de son enfance.
Peine perdue : qu'il soit romain ou autrichien, le catholicisme, sous le faste de ses rites, semble devoir engendrer partout le même obscurantisme et la même cruauté. Aussi la splendeur des processions en l'honneur de la Vierge et des saints, la profusion ridicule des magasins de bondieuseries, la superstition partout répandue, sont-elles pour Winkler une source inépuisable de délectation qui alimente sa verve blasphématoire.
Mais le regard de l'écrivain ne s'en tient pas à la pure satire. Dans les gares, sur les marchés, dans les jardins publics de Naples et de Rome, la vue des mendiants et des travestis ou le contact avec les jeunes prostitués et les voyous suscitent chez Joseph Winkler une connivence mêlée d'inquiétude, l'obligeant à prendre conscience de sa fraternité avec toutes les formes de marginalité, en même temps que remonte en lui le souvenir obsédant des prières de son enfance.
" Je suis contre la prière, mais je prie. Je suis contre l'amour et la haine, mais je hais et j'aime, je suis aimé et haï. " Brassant un monde où l'imaginaire, l'histoire et l'autobiographie sont étroitement mêlés, ce grand livre baroque composé dans une langue éblouissante, tel un nouveau Triomphe de la mort oscillant sans cesse entre la précision de l'observation et l'incantation extasiée, se veut à l'image du Cimetière des oranges amères de Naples, cette orangeraie plantée sur une ancienne fosses commune : le tombeau tragique et somptueux de tous les laissés-pour-compte de notre temps.