Filtrer
Rayons
Support
Prix
Louis Guilloux
-
Coco perdu : Essai de voix-Nouvelle édition
Louis Guilloux
- Folio
- Folio
- 23 Janvier 2025
- 9782073094933
«Voilà des années que je vais, que je viens, qu'est-ce que je cherche, qu'est-ce que j'attends, qu'est-ce qu'il faut faire ? Mais faire ci ou ça, c'est toujours du pareil au même et ça compte pas, ça n'avance pas. On peut pas non plus ne rien faire. Alors ? Fafa me plaque ? Eh bien bon ! Qu'elle me plaque si ça lui chante.» Dans une petite ville de province, un vieil homme déambule dans les rues et échange des propos ordinaires avec ceux qu'il croise. Il vient d'accompagner sa femme, Fafa, au train de Paris. Brève absence ? Court voyage ? Après deux jours d'angoisse inavouée, le retraité comprend que Fafa ne reviendra peut-être jamais. La détresse de Coco, le courage quotidien, l'humour et le désespoir, tout cela est comme tapi sous des paroles qui se donnent l'illusion d'être paroles en l'air : Coco perdu témoigne une fois de plus du très grand art pudique de l'auteur du Sang noir.
-
Le Sang noir est l'histoire d'une journée de 1917, dans une ville provinciale de l'arrière. C'est à travers le calvaire du professeur de philosophie Merlin, dit Cripure (à cause de la Critique de la raison pure), le tableau d'une société de pharisiens, de grotesques, de haïssables, en face de gentils, de révoltés, de victimes.Cripure, lui, s'il a été un révolté, ne l'est plus guère. Il est la caricature d'un homme à la fin d'une civilisation, un homme extrêmement pitoyable. Moqué par ses élèves, vivant comme une gothon, sachant qu'une révolution se lève à l'Est, trop tard pour lui, haï par tous les patriotes de l'arrière, il veut se battre en duel, dans un dernier sursaut. Et, comme on le prive de ce duel et de son honneur, il ne lui reste plus que le suicide.Bien que retentissant des problèmes de 1917, Le Sang noir est un roman métaphysique, plus que politique. Cette dimension métaphysique et le foisonnement des personnages font du Sang noir le roman le plus dostoïevskien de la littérature française.
-
En août 1944, la Bretagne vient d'être libérée, Guilloux est enrôlé par l'armée américaine en qualité d'interprète. Il participe aux enquêtes puis aux jugements de G.I., accusés le plus souvent d'avoir violé des paysannes. Guilloux nous raconte cette troublante expérience d'auxiliaire de la justice militaire. Car si les procédures semblent formellement observées, si le droit est respecté, peu à peu, un doute, une inquiétude s'installe : on ne juge et on ne condamne que des Noirs.
-
«Cher Guilloux, À propos du Sang noir, j'y ai remis le nez, poussé par l'amitié. J'ai eu honte et je me suis senti très petit garçon. Je ne connais personne aujourd'hui qui sache faire vivre ses personnages comme tu le fais. Il n'y a plus de romanciers parce que nous n'écrivons plus avec le coeur et la tendresse. Enfin, j'en étais tout remué.» L'un est breton, l'autre algérien, Guilloux est habité par le noir et aspire à la lumière, quand Camus, plus solaire, est rongé par le doute. Pourtant, lorsqu'ils se rencontrent à Paris en 1945, une amitié se noue immédiatement entre les deux écrivains. Ces fils du peuple, qui ont connu la pauvreté, sont animés par l'esprit de justice et de fraternité. Cette correspondance croisée ponctue quinze années d'une profonde affection, nourrie d'innombrables causeries, lectures, promenades et repas partagés.
-
Juste avant 1914, dans une petite ville bretonne, près de la cathédrale, vit l'infâme rue du Tonneau, avec ses taudis, ses maisons de prostitution, ses cafés douteux. Une écurie sert de logis aux Nédelec, la mère, les deux enfants et le grand-père, tailleur qui fait vivre tout le monde et travaille jusqu'à ce que mort s'ensuive. Puis arrive la cousine Zabella, personnage haut en couleur. La poésie, l'amour, la noblesse du coeur illumine ce récit, le plus beau peut-être qu'aient jamais inspiré l'enfance et la misère. «Je doute qu'aucun amour vaille celui des pauvres», écrit Louis Guilloux dans Le pain des rêves.
-
Un peu avant la guerre de 1914 - 1918, à Saint-Brieuc, un cordonnier essaie de créer dans la ville une section socialiste, puis, n'étant pas arrivé à convaincre les habitants, entreprend de construire de ses mains une « maison du peuple ». Son fils - encore un enfant - assiste à ses efforts désespérés pour donner un espoir au peuple.
L'art de Guilloux, pudique et tendre, est déjà tout entier dans ce premier roman qui annonce une des oeuvres majeures de son temps. Loin d'être un simple roman à thèse, La Maison du peuple est en réalité un hymne à la tendresse humaine. Il est suivi d'un texte bref, Compagnons, qui raconte la mort d'un ouvrier. Sur un thème désespéré, Guilloux évite tout mélodrame et son histoire gagne une dignité émouvante.
Le livre est préfacé par Albert Camus, qui écrit : « Je défie qu'on lise ce récit sans le terminer la gorge serrée. » -
«Pour une journée qui s'annonçait vide, elle commençait de bien bonne heure...» Durant cette journée du 11 septembre 1939, sur une passerelle de la gare de Saint-Brieuc, le narrateur, comme s'il attendait quelque train toujours retardé, se rappelle une rencontre : Salido, combattant antifranquiste, qu'il a connu du temps où il était chargé d'accueillir des réfugiés de la guerre d'Espagne. Ainsi ses souvenirs vont-ils s'organiser autour de Salido, ce rebelle, animé de l'esprit de révolte qui hante aussi le narrateur. Le récit conjugue présent et souvenir, destin et retour sur soi, comme le suggère l'image de cette passerelle au-dessus des rails. O.K., Joe !, issu d'un travail au ciseau et à la colle s'apparentant au montage cinématographique, nous propose une suite de scènes : viols, meurtres, procès, ayant pour cadre la Bretagne de 1944, tout récemment libérée. Louis Guilloux était alors interprète auprès des tribunaux militaires de l'armée américaine. En «gros plan», toujours, des vies dont il se fait le chroniqueur discret, le témoin : « Ask the witness...»
-
«Lucien parcourait la place [...] fasciné par tous ces jeunes gens qu'il regardait comme s'il eût cherché parmi eux tous quelqu'un de connu. C'était, pour la plupart, de petits paysans venus le matin à pied par la route, en bandes, conduits par un violoneux. [...] Ils étaient dans les cafés, ou déjà rentrés chez eux porter à leurs parents la nouvelle:bons service armé ou ajournés. [...] Des petits malingres portaient à leur chapeau le signe de la mort prochaine. Comme ils avaient l'air peu guerriers, cependant, peu faits pour la mort. Comme ils paraissaient peu se douter de la mort!» Louis Guilloux, Le Sang noir. «... Avec Le Sang noir, tout bascule. Le jeu de patience se renverse en un jeu de massacre. C'est toujours la même ville, Saint-Brieuc. C'est peu ou prou la même époque:1917. Ce sont les êtres de chair et de sang que Guilloux a côtoyés et connus [...]. Mais changés en bêtes comme par le méchant magicien des contes, métamorphosés, méconnaissables. Les rues blêmes de Cloportgorod grouillent désormais de monstres engendrés par une nouvelle poétique qu'on pourrait appeler une poétique du pire.» Philippe Roger, «Les secrets de Louis Guilloux».
-
À Laval, c'est-à-dire exactement à mi-chemin entre Paris et Saint-Brieuc, les deux pôles de la vie de Guilloux, un inspecteur se livre à une étrange enquête sur un certain Gérard Ollivier. C'est un jeu de miroirs, mais de miroirs légèrement décalés, pas exactement parallèles. De l'entrée en matière modeste à la dernière page, il se produit une montée lyrique du récit.
-
Auteur discret et indépendant, Louis Guilloux (né en 1899 à Saint-Brieuc mort dans la même ville en 1980) demeure encore aujourd'hui l'une des figures les plus importantes de la littérature du XXe siècle. Son roman, Le Sang noir, paru en 1935 dresse un portrait caustique et saisissant de la société ouvrière en prise avec la bourgeoisie.
Si, pour le grand public, le rayonnement posthume de cette oeuvre est certes moindre que celui du Voyage au bout de la nuit, le livre est considéré par la critique comme un chef-d'oeuvre emblématique des années trente. Aussi bien Pasternak que Semprun, l'ont hissé au premier rang des romans du siècle. En novembre 1953, Gaston Gallimard répétait à Guilloux qu'« à son avis », Le Sang noir « est l'un des meilleurs livres que la maison ait jamais publiés ».
Ami d'enfance du philosophe Jean Grenier, Louis Guilloux est proche d'Albert Camus, André Malraux, Jean Guéhenno, Jean Paulhan, avec lesquels il entretient d'intenses correspondances. Un volume réunissant ses oeuvres intitulé D'une guerre l'autre a été publié en 2009 dans la collection Quarto aux éditions Gallimard.
Les Chroniques de Floréal sont pour la première fois publiées en un volume. Alors que Louis Guilloux s'exerce au métier de journaliste et de traducteur, l'auteur en herbe tient une chronique « L'actualité documentaire » dans un nouveau magazine intitulé Floréal, « Hebdomadaire illustré du monde du travail » fondé en 1919 par Aristide Quillet, le créateur des dictionnaires et encyclopédies du même nom.
Comme le dit Eric Dussert dans sa préface : « La chronique tient du poème en prose (manière Francis de Miomandre) et du billet humoristique (façon Alphonse Allais ou Henri Roorda), de l'analyse coupante (Emile Bergerat), du persiflage contondant (Alphonse Karr) et de la dissection métaphysique (Roberto Arlt), voire de la flânerie douce (Léon-Paul Fargue) et Louis Guilloux manifeste son talent à cet exercice du mélange, de la fleur de style et de la perspicacité. Il excelle à décrire la vie qu'il côtoie dans la Capitale vibrante, ces grands événements qui viennent bousculer encore un mode de vie déchiqueté par la guerre, une civilisation qui mute après l'horreur de la mort industrialisée. D'emblée, il a les traits typiques du chroniqueur éprouvé, comme ces finesses d'humoriste des grands boulevards d'autrefois : Et Dieu me garde de médire des dilettantes ».
-
«Les hommes ne sont pas toujours aussi mauvais... et ceux-là mêmes qui par délassement sont capables de saouler un chien peuvent aussi finir par vous donner la paire de bons souliers dont vous aviez si grand besoin !» dit le narrateur en déchaussant le juge pendu qui, cinq ans plus tôt, l'a injustement condamné à la prison dont il vient de s'évader cette nuit de Noël.Marchant sous la neige, la première voix qu'il entendra hors de sa prison, quand il vient de reconquérir sa liberté, sera celle d'une jeune femme contant Le Petit Poucet...Les pièges de la justice, la méprise, le souvenir d'une intrigue amoureuse reliée au passé «par un mince filet de fumée», et qui se dénouera peut-être, qu'importe, la question essentielle posée par ce récit alerte semble bien être celle que nous nous poserions tous si nous savions formuler notre peur : de quoi sommes-nous coupables ?
-
1917:la guerre s'éternise dans la boue des tranchées. À Belzec, une ville de l'arrière, les autorités ont établi un camp de concentration où sont parqués les étrangers indésirables. Un professeur d'allemand, M. Lanzer, y sert d'interprète, s'attirant, par sa tolérance, la sympathie des prisonniers. Lui et sa famille ont d'ailleurs secouru une vieille Alsacienne, échouée là par hasard. En retour, elle leur lègue, peu avant sa mort, ses maigres économies et quelques bijoux en sa possession. Une rumeur, orchestrée par un collègue de Lanzer, accuse à tort le professeur d'avoir profité des largesses de la «boche». Quand le fils du principal, revenu blessé du front, découvre la mise au ban de son ami, il prend sa défense, au risque de devenir le nouvel indésirable... Écrit en 1923 et resté inédit à ce jour, ce roman de jeunesse de Louis Guilloux brosse le tableau saisissant d'une humanité en guerre perpétuelle. L'auteur du Sang noir y révèle déjà un talent remarquable pour dire l'impensé de l'époque:que la barbarie, loin d'être circonscrite aux champs de bataille, peut surgir en chaque individu.
-
Louis Guilloux, pendant plus d'un demi-siècle, est resté à l'écoute des grands orages de l'histoire et de la voix de ceux qui, invisibles et modestes, font et subissent cette histoire. Il n'a pas tenu un « Journal », avec ce que cela implique souvent de complaisance narcissique, ou de curiosité pour les minuscules commérages sur les « grands de la terre » ou les petits potins des grandes époques. Il a tenu le livre de bord d'une traversée des hommes. De la guerre de 14 à la Seconde Guerre mondiale, de la révolution d'Octobre à la Guerre d'Espagne, de la « Maison du Peuple » de sa jeunesse aux immeubles du petit peuple de Paris ou de Saint-Brieuc, de son voyage en U.R.S.S. à l'Occupation, de ses amis glorieux, Gide, Malraux ou Aragon, aux voisins du quartier et aux passants de la rue, Louis Guilloux garde l'oreille au guet, le coeur en éveil et l'esprit en alerte. Jour après jour, pendant cinquante-cinq ans, la trame de ces Carnets tisse une tapisserie d'une extrême richesse. Une époque s'y reflète, des milliers de voix y parlent ou chuchotent. Et dans le filigrane de ce beau livre attentif, modeste et généreux, préférant toujours écouter autrui plutôt que parler de lui, Louis Guilloux cependant est là, comme un hôte si discret qu'on ne sent sa présence que par la lumière d'un regard qui éclaire les autres et révèle une époque.
-
«Faire ses comptes, se mettre en règle, chercher à savoir qui on est, et ce que l'on pense, trouver son ordre et s'y maintenir - combien de fois au cours de ma vie ne me suis-je pas dit qu'il ne pouvait s'agir d'autre chose, que tant que cette entreprise n'aurait pas été menée à bonne fin, il n'y aurait rien de fait ni rien qui vaille, que je ne ferais que persévérer dans la confusion et vivre dans la suite de moi-même, c' est-à-dire en acceptant tout ce que je refuse. Combien de fois n'ai-je pas pensé que j'allais me mettre en route, mais sans aller jamais bien loin, repris dans les pièges de la facilité, d'une certaine paresse peut-être, soumis, toujours hanté par le soupçon que rien n'est jamais comme on croit, que tous les problèmes ne sont pas faits pour chacun et qu'il ne faut pas se laisser tenter au-dessus de ses forces. Faire ses comptes c'est aussi chercher à revoir comme à travers un kaléidoscope, s'efforcer de remettre en ordre les pages d'un livre disloqué tout en sachant qu'il en manquera beaucoup, se demander sur ce qui s'est passé à telle ou telle période:comment était-ce? Qu'est-ce que cela voulait dire? Pourquoi? Comment ai-je agi à ce moment-là? Envers moi-même, envers les autres? Se peut-il que l'on s'habitue à soi-même? Que jusque dans la vieillesse on vive avec ses erreurs et ses remords comme avec ses maladies, qu'on finisse par se passer bien des choses? Oui, mais on sait. Pour ce qui a compté il n'y a pas de prescription.» Louis Guilloux.
-
Il ne sait pas encore, ce déjà vieil homme qui soliloque dans les rues d'une ville de province, ce «retraité» dont toute la vie sans doute s'est passée à battre en retraite, le plus dignement possible - il ne sait pas encore, «Coco perdu», que s'il se parle à lui-même c'est qu'il n'a déjà plus personne à qui parler. Et que personne ne lui répondra désormais. Il a accompagné sa femme au train de Paris. Une brève absence ? Un court voyage ? Non, bien davantage : après deux jours d'angoisse inavouée, le narrateur s'aperçoit que «Fafa» est partie pour toujours. Il découvre sa solitude finale, sans doute irrémédiable.Tout est parole, et rien n'est dit, dans ce récit où le lamento prend subtilement les apparences du bavardage «de fil en aiguille», où les bâtons rompus cachent un coeur brisé. La détresse, le courage quotidien, l'humour familier et le désespoir silencieux, tapi derrière les paroles qui se donnent l'air, par politesse, d'être paroles en l'air : Coco perdu témoigne une fois de plus du très grand art pudique de l'auteur du Sang noir.
-
Dans une petite ville de l'Ouest, à la fin du XIX siècle, un artisan lamier qui "misère" et sa femme attendent leur troisième enfant. L'auteur chronique, jusqu'aux noces de cette petite môme, la minuscule et fière existence d'un peuple qu'il connaît bien. Angélina(1934) est un livre de gueux, dans l'acception de Guilloux : ceux qui "savent mieux leur devoir".
-
À vrai dire le capitaine Erik Eriksen et Patrick, son second, auraient mieux fait de se méfier. Mais quoi? Pour un capitaine au long cours danois comme pour un second irlandais, un peu de la brume natale qu'ils transportent avec eux cache toujours la vérité des choses. Vraiment, ils n'auraient pas dû chercher à tout comprendre:pourquoi la jeune Morosina était un jour apparue à bord du Motherland pour leur demander s'ils n'avaient pas une île; pourquoi Parpagnacco, le chat de M. Gino Montini, l'antiquaire, inspirait à cette jeune fille une haine si vive et au capitaine Eriksen une telle inquiétude... Mais, surtout, lorsqu' il revint dans la Ville Incomparable, le capitaine aurait dû se contenter de boire, d'écouter le vol des pigeons à l'heure de midi et, le soir venu, il aurait mieux fait de rejoindre le vieux Motherland à son mouillage de la Marittima. Or, sous prétexte de chercher une boutique où l'on vend des «burattini» (poupées figurant les personnages de la Commedia), le capitaine ne retournait-il pas chaque jour chez M. Gino Montini, cet inquiétant et courtois antiquaire? Et pourquoi le capitaine n'a-t-il pas prévenu Patrick, si léger et si triste, qu'il avait tort de chercher à retrouver Morosina?... Pauvre Patrick! la veille de sa mort, sachant que le trésor resterait introuvable, voici qu'il avait découvert le principal:que le courage ne suffit pas... Sur le Motherland, qui vogue vers les mers du Sud, le capitaine Erik Eriksen évoque ainsi les silhouettes légères de ces personnages dont les entrechats ont mis en scène la mort de son meilleur ami, lui-même si léger, si dansant, avec son manteau flottant sur ses épaules, et les vieilles romances irlandaises qu'il chantait en pensant à celle qu'il aimait le plus au monde...
-
Ces nouvelles et ces contes de Louis Guilloux ont paru, entre 1921 et 1950, dans des revues et des journaux. On dirait des eaux-fortes, ciselées par l'auteur de Sang noir pour nous rappeler combien la vie pouvait être dure, dans la première moitié du siècle, et surtout au lendemain de la Première Guerre mondiale. Quelle dérision dans le titre, Vingt ans ma belle âge ! C'est celui de la première nouvelle. Elle peint, avec un terrible accent de révolte, la misère d'un jeune homme, à Paris, dans les années vingt. C'est un texte désespéré et féroce, un chef-d'oeuvre. Au moment où l'on parle beaucoup des mutins de 1917, une autre nouvelle, Douze balles montées en breloque, retrouve son actualité : elle raconte les sentiments d'une mère et d'une fille dont le mari et père, un soldat breton illettré, a été fusillé par erreur. Mais on sait que la vie n'est pas toujours aussi tragique. La petite paysanne ambitieuse fera fortune parce que, chez Maxim's, en toute ignorance, elle gifle un roi. Humain, chaleureux, révolté, gai quand même, c'est Guilloux tout entier que l'on est heureux de retrouver dans ce recueil, publié pour la première fois en volume.
-
Maurice, garçon timide et sportif, fonctionnaire aux Chemins de fer, aime passionnément Berthe, une jeune modiste. Cette romance des années trente dans une ville de Bretagne va tourner au cauchemar... Un soir, à la sortie d'un bal, ils font l'amour dans un jardin public. Berthe tombe enceinte. Maurice l'épouse pour éviter le scandale et parce qu'il croit l'aimer. Mais le mariage oxyde la passion. Berthe sent Maurice s'éloigner. Elle l'assomme de questions, doutant de l'amour qu'il dit lui porter. Pour Maurice, la jeune femme devient " une lourde présence " angoissante. Ses sens le trahissent, il découvre qu'il désire Elise, sa belle-soeur ; il se dégoûte. Lui qui rêvait du bonheur n'a plus que " l'espoir du bonheur " ; il attend la naissance du bébé. Cet enfant est un mensonge de plus ; peu avant le mariage, Berthe a découvert qu'elle n'était pas enceinte ; mais pour garder Maurice, elle n'a rien dit...
-
En 1917, dans une petite ville de l'arrière, trois adolescents, partagés entre le désespoir et la révolte, tentent d'échapper à ce monde qui s'abîme sous leurs yeux. Laurent mourra au front. Lucie s'engagera dans la politique. Quant à Raymond, il préfigure, par son acte insensé, Meursault, l'Etranger de Camus.
-
-
En 1917, dans une petite ville portuaire bien pensante, avec toute sa hiérarchie sociale et militaire, le maire, l'évêque, les enseignants, alors que la vieille Europe s'écroule et que la Grande Guerre bat son plein... L'infirmière soigne les blessés de guerre, le fils du censeur s'embarque pour la Russie afin de participer à l'aventure révolutionnaire. Au milieu de ces élans patriotiques ou idéalistes, le pauvre Cripure, professeur attendrissant de naïveté, ne cessera d'être dupé, parce qu'il croit en la bonté humaine, parce qu'il refuse l'engagement idéoliguqe et le rêve polituqe. Impuissant, il se suicidera parce qu'on lui a volé sa dignité en lui faisant signer un formule de regrt afin d'éviter un duel. L'impossible rencontre de la pensée libre avec l'action politique. Cripure c'est Georges Palente, le professeur de philosophie de Guilloux au lycée de St Brieuc. Il était un fanatique de la Critique de la raison pure de Kan, d'où la contrepèterie : Cripure de la ransontique... Palante s'est effectivement suicidé en 1925.
-
Contrairement à une légende tenace, Louis Guilloux n'a jamais été l'élève en philosophie de Georges Palante, pour la simple raison qu'entré au lycée en 1912 en qualité d'élève boursier, en 1916 il résilia sa bourse pour « (se) faire engager comme pion ». Pour quelles raisons ? Le refus de l'engagement belliciste du corps enseignant, la fréquentation de blessés de guerre en convalescence, une volonté tenace de « gagner sa vie »... Très rapidement se noua entre eux une vive amitié « faite de la substance la plus précieuse des âmes qu'elle unit » et qui est « le culte de la belle individualité », selon la définition de Palante et comme le montre le récit que fait Guilloux de leur mutuelle affection, de leur accord au point qu'il avoue de prime abord que ses souvenirs sur Georges Palante sont aussi des souvenirs sur lui-même. On ne saurait donc détacher Georges de Louis ni Palante le philosophe de Guilloux l'écrivain.
-
Lettres.