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pierre pachet
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Autobiographie de mon père
Pierre Pachet
- Autrement
- Les Grands Romans
- 15 Septembre 2021
- 9782746762206
C'est la vie d'un homme né en 1895 dans une famille juive de Russie. Un homme qui part : à Odessa juste après la révolution de 1905, en France quand éclate la Première Guerre mondiale. C'est là qu'il fonde sa famille, connaît l'Occupation et meurt. C'est aussi une voix, rugueuse, autoritaire, une voix reconstituée par le fils de cet homme. Pierre Pachet écrit magistralement, d'un style sec et sans emphase, ce que Simcha, son père, s'est obstiné à taire.
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Cette correspondance rassemble deux écrivains en apparence très éloigné, tant du point de vue de l'écriture que dans la façon de se situer, de vivre et d'appréhender la chose littéraire et politique. Georges Perros est poète, et des plus sensibles à l'inactualité de la vie ordinaire. Rétif à l'engagement, il s'est arcbouté très tôt dans une posture existentielle de retrait, alors qu'à l'opposé, Pierre Pachet, dans ses cours de littérature, a souvent défendu l'idée qu'il fallait intervenir et penser son époque sans assigner à l'art du critique aucune limitation de discipline ou de genre. Ses travaux touchent à des domaines du savoir, la psychanalyse, la sociologie, la science politique, dont justement Perros, qui se mé!e des constructions intellectuelles, ne s'est emparé qu'au détour de notes, avec ironie et un certain génie de la dérobade. La perception qu'ils ont de leur identité di"ère par ailleurs, l'un étant très attaché à la Bretagne comme à un coin de pays fantasmé, l'autre, juif d'origine russe, revendique un moi plus décloisonné. Or ces deux grands lecteurs, requis par des passions quelquefois divergentes, se retrouvent dans l'esprit des Cahiers du Chemin dirigés par Lambrichs, dans une résistance viscérale au dogme, un sens de la langue et le sentiment d'être tous les deux des « seulibataires », mais à charge de famille. Leur amitié atypique, qui débute en 1968, ne s'interrompra qu'avec la mort de Perros, dix ans plus tard.
C'est le jeune Pierre Pachet qui engage et soutient le dialogue. Un Pachet d'avant son oeuvre d'essayiste. Il est alors fasciné par le prosaïsme magique de Perros au point d'en pasticher un peu la manière épistolière, et d'instaurer de façon inattendue, entre son aîné et lui, une relation virile, a"ectueuse, égotiste, plutôt complice. Mais contre laquelle semble se défendre parfois un poète mal à l'aise dans le rôle du maître. Reste que Perros laisse Pachet le « prendre au sérieux », pas du tout mécontent d'être lu comme il lisait autrefois Grenier ou Paulhan. Les vues sur Perros, que Pachet prolonge dans des articles que nous reproduisons en annexe, introduisent à l'esthétique du poète, tout en donnant de son commentateur une sorte d'autoportrait. Pachet voit en Perros un « penseur et moraliste », qui place son orgueil dans la vie, où précisément il a le moins de chance de réussir.
Au !l des lettres, qui arrachent Pachet à la routine de sa vie universitaire, la relation de maître à disciple s'estompe.
Pachet commence à publier au moment où Perros perd l'usage de la parole à la suite de sa laryngectomie. Il y a dans les dernières pages des accents aussi déchirants que dans L'Ardoise magique. -
Les baromètres de l'âme ; naissance du journal intime
Pierre Pachet
- Le Bruit du temps
- 17 Mars 2015
- 9782358730815
Dans ce livre, initialement paru en 1990 dans l'excellente collection « Brèves / littérature » dirigée par Michel Chaillou, Pierre Pachet s'attache à écrire l'histoire d'un genre littéraire peu étudié, dans la mesure où les écrits qui le constituent étaient à l'origine destinés à rester cachés, en marge de la grande littérature, et n'ont été progressivement publiés qu'après coup. Pierre Pachet, sans ignorer les précurseurs, chroniqueurs ou diaristes, ou, plus simplement des écrivains qui, de Montaigne à Rousseau et Fénelon, révèlent dans leurs écrits les mouvements d'un monde intérieur très personnel, s'attache néanmoins à limiter la définition du genre, à l'intérieur de la littérature française, à ce qu'il appelle le « journal intime moderne » : celui qui met en scène « une âme incertaine sur elle-même et sur ce que serait le salut ». Les écrivains qui s'y adonnent s'attachent « au retour dubitatif sur soi », à « l'examen de l'inconsistance de soi ». Deux chapitres sont consacrés aux avant-courriers, Samuel Pepy et Casanova, puis Lavater en Allemagne ; mais le genre semble prendre véritablement naissance avec la Révolution : Maine de Biran, Maurice de Guérin, Benjamin Constant, Stendhal, Amiel en sont les meilleurs représentants. Au terme de son étude (qui s'achève lorsque le journal intime devient un genre littéraire établi), Pierre Pachet s'interroge (comme il l'a fait récemment à propos de la Chine) sur le besoin de préserver l'intime face à un État qui prétend contrôler jusqu'à la pensée des gouvernés. Est-ce un hasard si c'est sous la Terreur qu'est apparue cette pratique « d'une parole abritée, méditative, désireuse de se constituer en tribunal intérieur en récusant les jugements publics » ?
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Dans une sorte de journal de ses pensées, un homme qui n'est plus jeune essaie de se représenter ce que c'est, d'être vieux. Ou plutôt de vivre cette situation de l'intérieur, tout en restant lui-même, en gardant l'âge qu'il a effectivement, quand il écrit, et en restant l'enfant étonné et cruel qu'on ne peut cesser d'être. Pour une part, il s'agit pour lui d'ima- giner, de spéculer ; pour une autre, de décrire ce qui lui apparaît des vieillards qu'il voit, qu'il fréquente, qu'il aime - et de lui-même. Dégradations physiques, lenteur nouvelle, défaillances dans l'activité mentale, désoccupation, obscurcissement : autant d'occasions paradoxales d'y voir plus clair, de regarder l'obscurité même. Pourtant, le livre ne pen- che pas du côté du vieillissement : il cherche à maintenir en service une « navette », selon l'expression de l'auteur, un aller et retour permanent entre le grand âge, et les autres âges de la vie. Nouvelle façon d'explorer, sans l'atténuer, la différence qui sépare les hommes les uns des autres, les sépare d'eux-mêmes au cours de leur vie, et donc finalement les constitue.
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Écrits sur le stoïcisme ancien ; suivis d'une traduction des fragments de Cléanthe
Pierre Pachet
- Éditions Mimésis
- L'Esprit Des Signes
- 10 Novembre 2020
- 9788869762390
Ce volume rassemble les contributions de Pierre Pachet à l'histoire de la philosophie grecque, depuis 1968, avec sa thèse de doctorat - une édition commentée des fragments de Cléanthe - jusqu'en 1978, année de sa participation au recueil Les Stoïciens et leur logique. Pourquoi donc le stoïcisme ? Sans doute son " accointance avec les Stoïciens avait du sens " et " leur fréquentation (lui) avait profité ".
Car c'est Cléanthe le philosophe qui ne se sépare pas du " poète inspiré de l'hymne à Zeus ", que Pachet fait figurer au centre de son recueil et qui témoigne d'un effort pour retrouver l'unité proprement hellénique de la poésie et de la philosophie, brisée par Platon. Une philosophie en vers, voire une poésie didactique. C'est en définitive à l'écrivain plus qu'à l'historien que Pachet entend qu'on laisse Cléanthe, moins pour reconstituer son système philosophique que pour y trouver " un exemple, un précurseur, un frère ".
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"Depuis Autobiographie de mon père, j'étais fasciné par ses livres, par cette voix sourde et obstinée, par cette façon de regarder sans ciller tout ce qui compose une expérience humaine. Toute son oeuvre est un exercice d'intranquillité et de vigilance.".
Emmanuel Carrère (extrait de la préface).
Ce volume contient :
Autobiographie de mon père.
Le Grand âge.
Bêtise de l'intelligence.
Conversations à Jassy.
L'oeuvre des jours.
Adieu.
L'Amour dans le temps.
Devant ma mère.
Sans amour.
Préface d'Emmanuel Carrère.
Postface de Martin Rueff.
Notices d'introduction de Yaël Pachet.
Écrivain, essayiste, traducteur et critique littéraire, Pierre Pachet (1937-2016) s'est intéressé aussi bien au sommeil, à la littérature de l'Est, de Kafka à Soljenitsyne, qu'à l'Histoire et à la politique. Mais au-delà d'un apparent éclectisme, il a surtout laissé une oeuvre littéraire de premier plan. Le choix proposé dans ce volume, orienté vers l'écriture de l'intime, à l'écoute de personnes aimées et proches mais aussi des laissés pour compte de la vie moderne, permet de mieux saisir l'individu Pierre Pachet : un grand écrivain contemporain aux aguets, sensible au « devoir que l'on a d'être celui que l'on est ».
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Bruno Schulz, La république des rêves : Le catalogue de l'exposition
Georges Lisowski, Maurice Nadeau, Pierre Pachet, Marc Sagnol, Isaac Bashevis Singer
- Denoël
- 21 Octobre 2004
- 9782207256374
Bruno Schulz (1892-1942) est l'auteur d'une oeuvre singulière et majeure où littérature et art forment un tout indissociable. Professeur de dessin à Drohobycz, en Galicie polonaise, Schulz connut une fin tragique : dans sa ville occupée par les Allemands, il fut tué, un jour de 1942, d'une balle tirée par un officier nazi. Le catalogue de l'exposition organisée par le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, en collaboration avec le Musée de la Littérature Adam Mickiewicz de Varsovie, rend d'abord hommage à son oeuvre graphique et picturale. Mais ce travail est contamment associé à celui de l'écrivain : des extraits de ses récits et de son abondante correspondance accompagnent les gravures du Livre idolâtre - clé de voûte de sa création - ainsi que les illustrations pour Les Boutiques de cannelle et Le Sanatorium au croque-mort. Enfin, de nombreux textes d'historiens d'art et de littérature restituent les contours de cette oeuvre encore trop peu connue.
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L'Âme bridée est un livre politique, d'attention au présent : un livre d'actualité. À l'âge qui est le sien, avec l'inlassable curiosité qui le porte instinctivement vers tout ce qui lui semble éminemment « vivant », Pierre Pachet s'est pris de passion pour la Chine d'aujourd'hui. Or il s'étonne qu'il n'y ait pas, en France, une « réflexion proprement politique sur ce pays et la façon dont il est gouverné », une réflexion qu'il pressent au contraire foisonnante dans le pays même. À partir de ce constat, il mobilise toutes les ressources de son intelligence, de sa sensibilité, tout son savoir, mais aussi son expérience la plus personnelle pour garder les yeux ouverts, pour comprendre. Ainsi se rejoignent, à propos de la Chine, deux préoccupations qui ont été les siennes toute sa vie, l'intérêt pour le politique (que peut la démocratie face à ces pays totalitaires d'un genre nouveau ?) et celui pour l'intime. De Paris, d'abord, dans son quartier ou vivent des maroquiniers chinois, puis lors de ses deux brefs voyages en Chine qu'il aborde « comme un sociologue en vadrouille », mais aussi à travers ses rencontres avec des dissidents ou des artistes chinois, ou même tout simplement sur internet, il traque inlassablement ce qui témoigne de la survivance de ce qu'il faut bien appeler « l'âme » dans un pays dont le régime politique, avec des moyens qui sont ici parfaitement décrits, fait tout pour la brider.
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Ce volume rassemble des textes composés par l'auteur au cours des vingt dernières années, ils témoignent du lien singulier qui s'affirme dans sa réflexion entre une donnée très intime, et une réalité collective et historique.
D'un côté, la conception d'une conscience à la vigilance envahissante, une vigilance qui ne cesse pas et se prolonge jusque dans le sommeil (voir les précédents essais de l'auteur, Nuits étroitement surveillées et La force de dormir, parus chez Gallimard) ; de l'autre l'attention portée de façon réitérée, au fil des années, à des situations politiques ou historiques dans lesquelles s'est déchaînée la violence : violence révolutionnaire dont témoignent des oeuvres comme celle d'André Platonov, de Mikhaïl Boulgakov, de Pierre Pascal ; violence totalitaire exercée dans les formes contemporaines de la torture, ou dans la catastrophe engendrée par le nazisme, à laquelle réfléchit Simone Weil.
La méditation de Pachet cherche à comprendre comment son propre souci de vigilance réagit au sentiment d'être encerclé par la violence du monde ; et surtout à faire apparaître la violence à l'oeuvre dans le rapport de la conscience à elle-même, une conscience cruelle, excessive, tant elle est avide de voir et de connaître ; une conscience dont les mouvements - dans la relation avec les animaux, dans la tentation de la privation volontaire, dans la pensée du meurtre ou de la torture subie ou exercée - finissent par prendre dans ces pages une dimension fantastique et presque romanesque.
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Les dames âgées ne sont pas nées telles. Elles furent des jeunes filles, qui attiraient le regard des hommes et le regard en général. Pour les regarder comme elles le méritent, je dois opérer une conversion de mon regard : le forcer à cesser de se tourner vers ces jeunesses attirantes, pleines de vie et de charme, dont le sourire heureux, conquérant, ravageur, s'atténuera puis s'effacera avec l'âge, sans qu'elles perdent pour autant leur beauté ou leur attrait... À travers des personnages de femmes qu'il a connues, Pierre Pachet s'interroge sur le renoncement à l'amour, sur le choix de la solitude, quand viennent l'âge, la mort ou l'abandon d'un compagnon. Sur le mystérieux - pour lui - désir de paix des femmes. Irène, Léa, Mme Salzberg, Mania, Mizou... Leurs destins ont été liés. En essayant de les reconstituer, l'auteur fait aussi renaître des époques : les années 30, l'Occupation, le frémissement de la fin des années 50, et un milieu, constitué d'émigrés russes, de Juifs hésitant entre diverses appartenances.
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En 1996, Pierre Pachet se rend dans le nord de la Roumanie, dans la ville de Iasi. Ce n'est pas la première fois qu'il va dans un pays que l'expérience du communisme a écrasé, pour goûter l'atmosphère qu'on y respire, écouter les gens, se situer par rapport à cette histoire. Cette fois-ci, les choses tournent autrement : peut-être parce que le père de Pierre Pachet était lui-même originaire de cette région de l'Europe. Le voyageur veut aller plus loin et plus profond, remonter, en dessous même des malheurs engendrés par le communisme, jusqu'à l'antisémitisme, jusqu'à la xénophobie qui a été si longtemps intimement liée au nationalisme roumain. Sous la ville contemporaine de Iasi, il veut revoir la ville de Jassy, jadis riche d'une forte population juive, et le pogrom de juin 1941 tel que Malaparte l'évoque dans d'inoubliables pages de Kaputt. Au-delà de l'actuelle province roumaine de Moldavie, il se fait expliquer ce qu'est la Moldavie indépendante, ce que furent la Bucovine, la Bessarabie où vivait son grand-père, la Transnistrie où tant de Juifs furent déportés. Les conversations, les lectures, les réflexions s'organisent en une enquête sur ce qui a eu lieu : en 1941, en 1943, en 1947, en 1989. Le lieu où se tiennent ces conversations, auquel elles veulent se tenir, est marqué par des frontières, des annexions, des expulsions, des violences contre les anciens voisins. La tentation y est forte, pour chacun, de rester accroché à son malheur, à son point de vue.
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Nuits étroitement surveillées : Études psychologiques
Pierre Pachet
- Gallimard
- Le Chemin
- 14 Mai 1980
- 9782070216758
Renouer avec les études psychologiques d'avant la psychanalyse, quand on cherchait moins à interpréter comme des signes les contenus du rêve qu'à reconnaître la forme commune d'une expérience. En reprenant les recherches oubliées d'Hervey, de Maury, de Delboeuf, en relisant Kafka et surtout en réorientant ses propres nuits, Pierre Pachet a voulu mettre en lumière une tonalité paradoxale du sommeil : sa vigilance. Paralysé et livré aux images, le dormeur continue à vivre parmi les hommes, qui tiennent compte de lui et dont il se souvient. Il agit, réagit, anticipe, souffre et calcule. Loin d'être totalement passif, il peut même entreprendre de contrôler ce qui lui arrive...
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Loin de Paris rassemble 50 chroniques brèves parues dans La Quinzaine littéraire, entre janvier 2001 et septembre 2005. Une fois par mois, il s'agissait d'illustrer les pages du journal d'une vignette écrite évoquant un voyage, un séjour, une visite ou une rencontre.
Ce que Paris exclut - la nature, la province, les villes et les villages, les animaux, les nuages - vient là au premier plan, mais intimement nourri de lectures et de souvenirs, et détaillé par une curiosité avide, sensible à ce qui se passe, à l'humour des choses dépaysantes, à la diversité disjointe des modes de vie et des façons d'habiter la terre.
En filigrane se dessine un mouvement autobiographique plus grave. Atteint par le deuil, un homme réagit par instinct, par goût de vivre, en allant regarder les choses et les gens. Ce qu'il voit, ce qu'il montre, les mots qu'il trouve pour le faire, ne le distraient pas du chagrin. Le chagrin y trouve à s'employer, il se creuse en se donnant à la diversité sensible de ce qu'il rencontre.
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Y a-t-il un rapport entre les affaires criminelles les plus spectaculaires et la vie quotidienne que mènent les habitants de la ville moderne, désignés à l'attention par le hasard des accidents, des tirages au sort, des rencontres ? Sans formuler aucune théorie générale, Pierre Pachet soumet sa réflexion sur ce sujet aux occasions qui se proposent : les jeux radiophoniques, le métro, le téléphone, la circulation automobile, le procès de Patrick Henry, le récit de l'affaire Manson. Visant autant à décrire qu'à expliquer, les analyses se succèdent ou s'enchaînent pour composer une sorte de confession angoissée et minutieuse. La peur de l'irrémédiable et le désir de comprendre, de voir, y mènent alternativement le jeu.
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«Enfant, m'a-t-on dit, je voulais être avec ma mère, ne pas la quitter, qu'elle ne me quitte pas. On me l'a rappelé plus tard, dès la fin de la guerre, avec attendrissement, ou pour se moquer un peu de mes désirs d'indépendance. À présent, je ne peux plus aller avec elle, ni même près ou auprès d'elle. Dans l'état où elle est, ce que je peux espérer en allant la voir et en y passant du temps, c'est qu'elle regardera dans ma direction, sans me reconnaître vraiment, et qu'elle me permettra ainsi d'être devant elle, de lui parler pour réveiller brièvement sa capacité à mimer une conversation, de lui donner à manger. Je la reconnais, je la regarde, je l'écoute. Malgré notre connivence humoristique de toujours, à présent presque totalement détruite, je me sens comme devant une figure très ancienne, une statue faiblement animée mais puissante, monumentale.» Pierre Pachet.
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Trop naturel, le sommeil : on n'y prête guère attention. Ou bien c'est qu'il se détraque, et l'on demande à la médecine de nous le rendre aux moindres frais. le sommeil - à la différence du rêve - fut-il jamais pris pour objet de pensée ? Devint-il matière à élaborations littéraires ? Comme une eau, on voit au travers ; son départ laisse à peine un scintillement... À la surprise du lecteur, l'essai de Pierre Pachet révèle que le sommeil est partout présent dans la littérature. Il s'insinue dans maintes oeuvres où jamais nous ne l'avions remarqué. Il est vrai qu'il y paraît moins comme un thème tout offert que par éclipses, tensions, retraits. La paradoxale «force de dormir» qui donne accès au sommeil, il faut en être privé pour en percevoir l'existence. Lui-même au travail, le sommeil fait oeuvre dans les poèmes de Baudelaire, dans les proses de Nerval, dans les extraordinaires récits de Platonov. Pour déceler cette puissance poétique du sommeil et les conditions - sociales, historiques - de son apparition, il fallait une attention insomniaque.
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Ce sont les jours, dans leur discontinuité, chacun apportant un projet, une sollicitation, une diversion, qui ont travaillé pour moi.
Après trente ans de publications (petits livres, essais ou récits, articles, comptes-rendus, participations à des ouvrages collectifs, traductions, introductions,...), je me retourne avec curiosité vers cette dispersion que j'ai voulue et que je veux encore. Occasion de reconnaître moins des thèmes que des puissances, aptes à désorienter et à orienter, à relancer et à suspendre : l'ennui (et la peur de l'ennui), les émotions, la conversation (et la peur d'être englouti en elle), la diversité et la multiplicité des livres, possibles et réels, l'hésitation passionnée devant les formes.
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La colère ; instruments des puissants, arme des faibles
Pierre Pachet
- Autrement
- 10 Septembre 1997
- 9782862607313
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C'est le portrait d'une femme aimée, tracé alors qu'elle vient de quitter la vie ; c'est l'effort pour ressaisir le mouvement d'une vie orientée par le désir de vivre avec vérité.
C'est pour l'auteur d'Autobiographie de mon père, une nouvelle tentative pour capter en dehors de lui ce qu'il a de plus intime.
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"L'amour dort dans l'air, sur le vent.
Il ne laisse pas de trace matérielle. Il ne laisse pas de trace entre les amants.
Chacun d'eux a été transformé par son passage, rendu meilleur peut-être, plus humain, plus exigeant ou plus amer. Ou plus aimant (comme il apparaîtra au prochain passage de l'amour. s'il repasse).
Je t'aime - et notre amour est d'autant plus vrai, poignant et indubitable, qu'il n'est suivi d'aucun : et je t'aimerai toujours. Je t'aime les yeux ouverts, même si tu es par excellence la femme à côté de qui je peux dormir.
Ainsi l'amour est pleinement dans le temps." Comment le chagrin d'avoir perdu une femme aimée se transforme en besoin d'aimer, en désir, en ouverture à la multiplicité des désirs : comment cette modification de son être intime et presque de son identité peut mener à une fidélité plus profonde : ce qu'est la chaîne qui conduit d'un amour à d'autres, à un autre : à quoi l'amour engage, ce qu'il demande ...
Ces questions surgissent ici à travers des circonstances, des rencontres, des situations et des portraits. L'auteur raconte, se souvient, décrit, s'interroge sur l'histoire dont il est le personnage principal, et cherche à la rendre visible pour chacun - et d'abord pour lui-même.
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Tout fragment d'oeuvre est émouvant en lui-même en ce qu'il témoigne d'une unité disparue, à laquelle il permet de rêver, tout en invitant à méditer sur le passage du temps. Un torse, une main, un pied, prennent ainsi, séparés, un sens qu'ils n'avaient sans doute pas quand ils n'étaient qu'une partie d'une oeuvre complète.
Aussi bien un fragment n'est-il pas seulement le résultat d'une destruction ou d'une mutilation : comme l'observe ici Pierre Pachet dans Du bon usage des fragments grecs, il pose la question de la survivance et de l'interprétation des oeuvres d'art à travers le temps.
De cette question, Auguste Rodin s'est sans doute avisé en découvrant les ressources expressives du fragment. Dans « Étreindre sans bras et tenir sans mains » Rodin et la figure partielle, Antoinette Le Normand-Romain cherche à comprendre la volonté du sculpteur de laisser inachevées certaines de ses oeuvres, conçues dès lors comme des fragments. En quoi celles-ci peuventelles cependant être perçues comme des oeuvres à part entière ? Rilke avait noté à leur propos : « Il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant elles comme devant un tout achevé et qui n'admet aucun complément ».
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En octobre 1980 - un an avant la proclamation de l'état de guerre -, l'auteur fait un séjour en Pologne, passant par Varsovie, Wroclaw, Cracovie, Auschwitz, rencontrant tout au long de son parcours des universitaires, des syndicalistes de Solidarité, des membres du Parti. Très vite son journal se révèle d'un réalisme à la fois minutieux et poignant, dans la mesure où Pierre Pachet s'y engage en tant qu'individu, découvrant les épreuves d'un régime de privations. S'il demeure constamment attentif aux grands problèmes politiques, sociaux et spirituels écrasant le pays, c'est par l'intermédiaire d'un simple corps humain soumis à mille oppressions humiliantes. Exemples : les toilettes d'un grand aéroport, une salle de bains d'hôtel, un repas dans un restaurant, la résignation d'une foule dans l'atmosphère étouffée des villes, tout cela prend sous sa plume autant de gravité douloureuse que certains entretiens politiques et culturels avec tel professeur, tel journaliste, tel activiste. Son témoignage ajoute ainsi un sens vécu concret à l'expérience. Le lecteur connaîtra désormais d'une manière extraordinairement vivante l'odeur, le grain, la couleur, la température d'un certain désespoir corporel subi jour après jour par tout un peuple.
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Édition sous-titrée : Essai sur la politique baudelairienne