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Gallimard
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Des mots et des actes : Les belles-lettres sous l'Occupation
Jérôme Garcin
- GALLIMARD
- La Part Des Autres
- 3 Octobre 2024
- 9782073058270
Le temps n'est certes plus à l'admiration béate des créateurs, à la séparation de ce qu'ils sont et de ce que leur oeuvre donne à connaître et à admirer. Mais cette double vision, plus pénétrante, fut, pour Jérôme Garcin comme pour d'autres de sa génération, un apprentissage : «À l'adolescence, j'attendais de la littérature à la fois un refuge et un horizon. Je lui demandais de l'aide, je ne lui demandais pas des comptes.» Les coulisses de ce théâtre de signes n'étaient pas toutes reluisantes ; et des mots aux actes - c'est bien l'axe de ce livre - il y avait un écart qu'il s'est avéré impossible sinon de combler, du moins d'ignorer. Dans cette passionnante revue d'effectifs des «belles-lettres» sous l'Occupation, qui s'appuie sur une connaissance fine des sources de l'histoire littéraire, Jérôme Garcin ajuste son regard, nos regards sur cette époque en clair-obscur, à l'aune de quelques-unes de ses plus hautes figures morales et intellectuelles - avec l'admirable Jean Prévost tout en haut de l'échelle. Ce questionnement par l'exemple sur la responsabilité de ceux que leurs écrits ont fait briller et qui se sont compromis s'adresse autant aux auteurs de ce temps qu'aux lecteurs d'hier et d'aujourd'hui. Car on a beau se garder de vouloir porter des jugements après coup, se répéter que le dossier est documenté depuis longtemps, on ne peut s'empêcher d'éprouver un persistant malaise à l'évocation de cette arrière-cour des catalogues et à l'égard de cette ignorance feinte, voire d'une certaine complaisance, sur laquelle ont pu et pourraient encore reposer certaines de nos passions littéraires. C'est à mieux saisir cette «part des autres», tantôt sombre, tantôt lumineuse, que Jérôme Garcin s'attache ici, en évoquant les figures de Brasillach, Céline, Chardonne, Cocteau, Morand ou Rebatet, et toujours à la lumière des engagements de Kessel, Lusseyran, Mauriac, Paulhan ou Jules Roy.
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Fût-il en fin de carrière ou de vie, un cadet de l'art d'écrire ne saurait déménager à la cloche de bois sans régler ce qu'il doit aux grands aînés qui l'ont, à leur insu, incité à poursuivre ou à tenter de rebondir. Tous les écrivains abritent au fond de leur coeur des passagers plus ou moins clandestins, souvent de la génération précédente, qui font pour eux office d'incitateurs ou d'excitants. «Intercesseurs et éveilleurs», disait Julien Gracq. Pas toujours les plus connus, et souvent inattendus. On s'en émancipera peut-être un jour, mais ce sont eux qui nous ont lâché la bride. C'est à ces maîtres proches ou plus lointains que je voudrais rendre ici hommage - ou témoignage. En rêvant de voir un jour des confrères bien plus qualifiés nous révéler leurs dettes d'honneur... comme un carnet de bal à conserver. R. D.