La possibilité de construire des « autres mondes » est particulièrement à l'oeuvre dans deux courants dynamiques de la littérature contemporaine : la fantasy et la science fiction. Pour avoir été commentés et théorisés l'un sans l'autre, voire l'un contre l'autre, ces deux courants méritent néanmoins d'être étudiés l'un avec l'autre, par le prisme de ces « autres mondes », de leur valeur et de leurs symboles.
De nos jours les récits des médias jouent un rôle primordial en fournissant au public des symboles culturels, des mythes et des modes de pensée principalement par la réinterprétation ou le recyclage de typologies, de prototypes et d'archétypes culturels existants (Kellner 200, Lyden 2003). Cette importance grandissante à la fois des médias et du processus de recyclage du mythe découle de l'évolution culturelle et technologique en occident depuis l'après-guerre. Ainsi, en raison des changements essentiels de forme et de contenu dans la production, la reproduction et la distribution de produits culturels depuis le milieu du 20ème siècle, les médias ont acquis une domination croissante, remplaçant en ampleur et en impact les anciennes institutions qui façonnaient les opinions, les valeurs et les comportements du grand public. Comme Peter Horsfield (1987) l'avance, les médias représentent un nouvel environnement symbolique, qui a par ailleurs un impact éducatif, modelant, comme Douglas Kellner (2003) le fait remarquer, les opinions et les valeurs du public et fournissant les symboles, les mythes et les moyens par lesquels nous formons une culture commune dont l'appropriation permet de nous insérer dans cette culture. Ainsi, la culture dans laquelle nous baignons est une culture contrôlée et modelée par les médias et les façons dont elle en exprime le message sont de plus en plus sophistiquées et principalement visuelles. Comme le prétendent les influents Jessica Evans et Stuart Hall (1999) en parlant de culture visuelle: "L'image reproduite mécaniquement et électroniquement est l'unité sémantique et technique des mass media modernes et le coeur de la culture populaire d'après-guerre, l'image et le message visuel étant employés dans une gamme de formes multiples et de plus en plus diversifiées dans le contexte de la communication massifiée et de la marchandisation de l'information.
Cependant, malgré la diversité des canaux médiatiques et des plateformes complexes mais aussi de plus en plus interactives, les modèles narratifs et les messages essentiels ont, paradoxalement, subsisté presque inchangés. Un petit nombre de modèles de mythes représente le coeur de la narration des médias contemporains, que l'on parle de fiction (cinéma), des messages médiatiques basés sur la réalité (de la presse écrite ou télévisée), des représentations politiques (campagnes d'image) ou de la publicité. Les mythes recyclés, mais aussi reformatés et réinterprétés se sont montrés très utiles pour les médias contemporains marchandisés, en permettant de vendre une grande variété de produits médiatiques.
Le dernier numéro des cahiers "Echinox" a pour objectif de poser le cadre pour un dialogue universitaire et les débats concernant les mécanismes, l'impact et les effets du recyclage et de l'emploi à grande échelle des modèles mythologiques classiques dans les médias contemporains.
Partant d'un segment théorique initial - Revisiter les mythes à l'époque de l'information: Approches théoriques - les subdivisions thématiques ont tenté de couvrir les différents domaines dans lesquels les mythologies des médias contemporaines apparaissent et entrent en jeu. Ainsi, le volume contient une série de recherches théoriques autant sur les aspects adoptés par les mythes dans les médias contemporain que sur leurs significations au regard des défis actuels. Les recherches de la seconde partie, Contemporary Media Narratives and Classic Mythologies, abordent une série de réinterprétation dans les médias contemporains ou les nouveaux médias des modèles traditionnels du mythe tels que la résurrection et la régénération, la maternité, d'autre articles se concentrant sur le recyclage des symboles tels que l'eau ou le labyrinthe. Comme le volume s'est donné pour but de traiter un éventail de médias, les recherches se sont concentrées à la fois sur les aspects visuels (en particuliers le cinéma, mais aussi la télévision et la publicité) et la presse écrite. Les recherches dans la partie intitulée Contemporary Written and Visual Media: Myths, Politics and Ideologies apportent une perspective plus précise en mettant l'accent sur les médias communiste d'après-guerre en Europe de l'Est et plus particulièrement en Roumanie. Au contraire, les parties dédiées au cinéma et à la publicité, apportent diverses contributions au sujet, des grands courants jusqu'aux aspects plus locaux de l'influence du mythe dans les discours de la cinématographie contemporaine et de la publicité.
Enfin, les textes de la dernière partie, qui se sont focalisés sur "l'éthique de l'image", sont le résultat d'une série d'ateliers organisés au sein d'un projet mené à l'université "Babes-Bolyai", Cluj-Napoca en Roumanie, par des étudiants ...... de la faculté de Lettres.
De même que l'archétype du lieu idéal a engendré plusieurs avatars culturels (Paradis, jardin d'Éden, Âge d'Or, Champs Élysées, Îles des Bienheureux), le contre-type du lieu infernal a généré à son tour maints topoï comme le Ekur mésopotamien, le Shéol, le Hadès, le Tartare, l'Enfer, etc. Aussi bien, le complément humain de ces lieux surnaturels, l'utopie ou la cité de l'homme, a donné naissance à des contestations parfois véhémentes, aux antiutopies, cités de terreur et de cauchemar. Apocalypses, endroits eschatologiques, contrées et cités infernales, témoignent d'une fantaisie anxieuse, spécifique de notre culture ou peut-être de la condition humaine elle-même. On dirait que l'angoisse de la souffrance et de la mort jouit de la représentation imagée de ses frayeurs, pour les apaiser et pour les prendre sous contrôle.
Ces imaginaires du mal, dans toute leur richesse et diversité, font ici le thème du présent numéro d'Echinox.
