Dans Cobalt blues le journaliste Erik Bruyland plonge dans l'histoire postcoloniale de son pays natal, la République Démocratique du Congo. Le passé colonial belge s'est transmué en scènes quasid'esclavagedanslesmineslesplusrichesaumonde. Alors pourquoi ce pays tellement riche est-il si pauvre ? Son travail fouillé de journalisme d'investigation dévoilecomment desopportunistes et despéculateursont -commedesvautours -pu mettremain-bassesurlesrichesses minières. Bruyland détricote les carrousels économiques et financiers et les manigances géopolitiques qui ont abouti à la tragédie du Cobalt blues: l'or bleu qu'engrangent des sociétés offshore, la sueur noire n'en récoltant rien. Et tout ça pour satisfaire notre besoin de téléphones intelligents ou de voitures électriques. Une analyse tranchante du dépérissement économique et politique de la RDC,avecenmiroirlerôleetlaresponsabilité del'ancien colonisateurbelge.
L'histoire débute à la fin du XIX? siècle. Persuadés d'avoir retrouvé en Afrique la nature disparue en Europe, les colons créent les premiers parcs naturels du continent. Puis, au lendemain des années 1960, les anciens administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Il faudrait sauver l'Éden ! Mais cette Afrique n'existe pas. Il n'y a pas de vastes territoires vierges de présence humaine, arpentés seulement par ces hordes d'animaux sauvages qui font le bonheur des safaris. Il y a des peuples, qui circulent depuis des millénaires. Pourtant, ces hommes, ces femmes et enfants sont encore expulsés des parcs naturels africains, où ils subissent aujourd'hui la violence quotidienne des éco-gardes soutenus par l'Unesco, le WWF et tant d'autres ONG.Convoquant archives inédites et récits de vie, ce livre met au jour les contradictions des pays développés qui détruisent chez eux la nature qu'ils croient protéger là-bas, prolongeant, avec une stupéfiante bonne conscience, le schème d'un nouveau genre de colonialisme : le colonialisme vert.
Une histoire mondiale de l'Afrique, une histoire africaine du monde. Tel est le double pari de cet ouvrage ambitieux qui nous plonge dans la conversation que les sociétés du continent africain ont, au cours de l'histoire, toujours entretenue avec celles du reste du monde. Une conversation multimillénaire, depuis la dispersion des humains modernes jusqu'à nos jours, dont les auteurs et autrices nous invitent à écouter toutes les tonalités. Car cette histoire est faite de rapports de domination et de violences, de rejets et de révoltes, mais également d'interactions à toutes les échelles, de circulations de biens et d'idées, d'innovations et d'adaptations locales, de mutations globales.
S'émancipant des monologues factices qui divisent le passé, ce livre propose une histoire polyphonique. Il s'appuie sur les recherches les plus actuelles et les plus poussées pour éclairer la manière dont les sociétés africaines ont toujours pris part au monde.
Le Rhinocéros d'or peint le tableau d'une Afrique méconnue, celle des « siècles d'or » du Moyen Âge (VIIIe-XVe siècle).
Le témoignage d'un négociant, d'un aventurier, d'un géographe arabe, une carte, une fresque, une inscription gravée, les ruines d'une ville de sel ou de terre, un site récemment fouillé, sont autant de traces qui permettent à François-Xavier Fauvelle de reconstituer ces pans d'histoire. Il nous mène de l'Afrique du Nord aux royaumes du Ghâna et du Zâfûn, de l'empire du Mâli à l'Égypte, du Kânem près du lac Tchad aux royaumes chrétiens de Nubie et d'Éthiopie, des principautés de la côte d'Afrique de l'Est aux énigmatiques ruines de Grand Zimbabwe. On découvre les cours de souverains opulents ; les villes bruissantes d'activité où les commerçants du monde islamique rencontraient les négociants africains ; les marchés où s'échangeaient ambre de cachalot, esclaves et or contre perles indopacifiques et vaisselle de Chine. Les sociétés africaines étaient alors parties prenantes d'un vaste monde interconnecté. Devenu un classique, Le Rhinocéros d'or a été traduit en une dizaine de langues. Paru dans sa première version en 2013 (Alma), le livre a reçu le Grand Prix du livre d'histoire (Rendez-vous du livre d'histoire de Blois), l'édition anglaise (Princeton University Press, 2018) celui du « Medieval book of the year » (Medievalists.net).
Cette nouvelle édition est augmentée de plusieurs chapitres et enrichie des fruits d'une dizaine d'années de recherches.
John Iliffe propose ici une histoire générale de l'Afrique, des origines de l'humanité jusqu'à nos jours.Les Africains ont conquis une région du globe particulièrement hostile, au nom de toute l'espèce humaine. Le peuplement du continent, la coexistence de l'homme avec son environnement, la construction de sociétés durables et la défense contre les agressions venues des contrées les plus favorisées constituent les axes principaux de cette histoire, marquée par les blessures et les cicatrices.En consacrant une longue analyse à l'esclavage, John Iliffe montre que la souffrance se trouve au coeur de l'expérience africaine. Contre cette souffrance, les Africains ont élaboré des défenses qui leur sont propres:ils placent l'endurance, le courage et le sens de l'honneur au premier plan de toutes les vertus. Autant de valeurs grâce auxquelles ils affrontent les nouveaux défis du monde contemporain - l'instabilité politique, les guerres, la propagation du sida, les bouleversements culturels et religieux.Telle est l'histoire exceptionnelle de populations exceptionnelles:celles du Maghreb, de l'Égypte, de l'Éthiopie, de toute l'Afrique noire - une communauté de destins qui lie en une seule histoire les tout premiers humains à leurs descendants d'aujourd'hui.
Florence, fin juin 1887, un dénommé Husayn meurt. Ainsi s'achève la trajectoire hors du commun d'un ancien esclave, né dans le Caucase, devenu général de l'Empire ottoman.
Dans son enfance, Husayn est vendu sur un marché d'Anatolie comme esclave, envoyé à Istanbul, puis à Tunis. Là, il est éduqué et promu jusqu'à atteindre le rang de dignitaire de l'Empire ottoman avant que la colonisation de la Tunisie par la France en 1881 ne le contraigne à l'exil, en Italie. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Sa mort en Toscane provoque une série de conflits autour de sa succession qui mettent aux prises le sultan ottoman, ses vizirs, des fonctionnaires français, des juristes européens et des membres de communautés musulmanes et juives sur les deux rives de la Méditerranée.
Mobilisant des sources françaises, tunisiennes, italiennes, britanniques et ottomanes, Un esclave entre deux empires revient sur les pas de Husayn pour révéler les dimensions transimpériales de l'histoire de l'Afrique du Nord entre la seconde moitié du XIXe siècle et les années 1920. À travers ce destin singulier, ce livre montre que l'histoire contemporaine du Maghreb ne saurait être lue au seul prisme de l'histoire coloniale française, mais qu'elle doit être appréhendée d'après l'histoire des sociétés maghrébines et au croisement de multiples puissances méditerranéennes.
Professeur à Sciences-Po Paris, M'hamed Oualdi est spécialiste de l'histoire du Maghreb moderne et contemporain (XVIe-début du XXIe siècle). Il a publié en français Esclaves et maîtres (Publications de la Sorbonne, 2011) et dirige un programme de recherches européen (ERC) sur les fins d'esclavages au Maghreb.
Arrachés violemment à leur terre et à leurs proches, ils furent des millions à se retrouver enchaînés, entassés comme des bêtes dans des bateaux, contraints à traverser à pied forêts ou déserts dans des conditions tellement inhumaines que presque la moitié d'entre eux en mouraient. Ce crime effroyable, qui a dévasté l'Afrique subsaharienne, a pris de nombreux visages au cours des siècles. Car ses exécuteurs et ses commanditaires sont issus de tous les horizons : de l'Afrique elle-même avec la traite interne, des différentes terres musulmanes avec les traites orientales, de l'Europe avec la traite atlantique. Pour comprendre l'ampleur et la complexité historique de l'esclavage des Noirs, il faut donc en faire la géographie, qui passe par les routes des différentes traites. C'est cette synthèse que Catherine Coquery-Vidrovitch nous présente ici avec rigueur et pédagogie, loin de toute polémique. Elle s'appuie sur son savoir immense d'historienne de l'Afrique, mais aussi sur le riche matériau réuni dans une série de quatre films intitulée Les Routes de l'esclavage, diffusée par la chaîne ARTE, dont elle a été la conseillère historique, et où interviennent les meilleurs spécialistes issus de nombreux pays. Un ouvrage aussi passionnant que terrible, qui révèle les rouages d'un système criminel sur lequel s'est construit en grande partie notre monde actuel.
Retraçant un parcours de recherche qui l'a mené de l'Afrique du Sud au Maroc en passant par l'Éthiopie, François-Xavier Fauvelle fait ressortir les enseignements d'une histoire qu'il n'est plus permis de nier ou d'ignorer.
Il pointe les défi s d'une documentation fragmentaire qui suppose d'employer fouilles archéologiques et écrits anciens, traditions orales et usages contemporains du passé, tout en déconstruisant les représentations héritées des siècles de la traite des esclaves puis du colonialisme.
Apparaissent alors les richesses d'une histoire marquée par une singulière diversité d'économies, de langues, de croyances religieuses et de formations politiques.
Réinscrite dans ses interactions avec les mondes extérieurs, cette histoire renouvelle notre compréhension des mondes africains anciens et permet de repenser les phénomènes globaux, tels ceux du Moyen Âge, à partir de l'Afrique.
L'Afrique subsaharienne est le berceau de l'humanité, et son histoire la plus vieille du monde. Ce petit livre, qui se destine à un public curieux mais non spécialiste, se nourrit d'un demi-siècle de travaux fondamentaux portant sur la question. Non seulement il fait le point sur une histoire au moins aussi variée et passionnante que celle des autres continents, mais il s'attache à déconstruire un à un les grands clichés qui continuent de nourrir les imaginaires occidentaux ; ceux qui font de l'Afrique un continent subalterne, à part, irrémédiablement à la traîne.
Or l'Afrique, depuis toujours, influe sur le reste du monde. Elle lui a fourni main-d'oeuvre, or et matières premières, qui ont joué un rôle essentiel, aujourd'hui encore méconnu, dans la mondialisation économique. Elle a développé, au fil des siècles, un savoir parfaitement adapté à ses conditions environnementales, savoir qui fut taillé en pièces par l'extrême brutalité de la colonisation, pourtant si brève au regard de l'histoire longue.
Mais si on lui a beaucoup pris, l'Afrique a aussi donné, avec une formidable vitalité.
Des premiers peuplements à l'émergence de l'empire zoulou, de la violence inédite des guerres angloboers aux premières élections libres, en passant par l'aventure fondatrice du Grand Trek, c'est l'épopée de toutes les identités sud-africaines qui renaît dans cette synthèse riche et vivante où l'on croise aussi bien Gandhi que Winston Churchill. « Le temps est venu de panser nos blessures », proclame Nelson Mandela lorsqu'il devient le premier président noir de la République d'Afrique du Sud en 1994. Quel long chemin d'intolérance a mené les Sud-Africains au système de l'apartheid et comment vivent-ils avec ce passé douloureux depuis? Gilles Teulié retrace l'histoire de ce pays jamais en paix avec lui-même, et pourtant l'un des plus prometteurs d'Afrique. La pointe sud de l'Afrique, passage obligé vers l'Orient, fut toujours une terre de migrations. Toutefois, rien ne laissait présager que du simple comptoir fondé en 1652 au Cap par le Néerlandais Jan Van Riebeeck naîtrait une colonie si florissante. Calvinistes néerlandais, luthériens allemands du Nord de l'Europe et huguenots chassés de France s'implantèrent dans cette terre promise, au prix de luttes mortelles avec la mosaïque d'ethnies qui la compose. Mais l'espoir d'une cohabitation pacifique s'éloigne tandis que les Afrikaners et les colons anglophones se défont en partie de la tutelle britannique en 1910. La suprématie blanche guidera sa destinée jusqu'à ce que le célèbre détenu de Robben Island sonne l'heure de la réconciliation raciale. Nombreux restent les défis à relever aujourd'hui pour cette société aux onze langues officielles mais la « nation arc-en-ciel », membre des Brics et acteur international majeur, n'en reste pas moins un pays d'avenir.
Comment l'Afrique a-t-elle réussi à occuper une place cruciale dans l'histoire mondiale ? Que voulurent réellement les Africains aux différents moments de leur histoire ? Quelles furent leurs résistances à la colonisation et au capitalisme, mais aussi leurs adaptations ? L'État-nation était-il la seule solution quand vint le temps de l'indépendance ? Avec cette fresque de l'Afrique, de ses connexions et de ses interactions avec les autres puissances depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours, Frederick Cooper offre une réflexion passionnante sur la fin des grands empires coloniaux européens qui se lit également comme une histoire du monde.
Frederick Cooper est professeur émérite d'histoire à New York University. Spécialiste de l'Afrique contemporaine, de la colonisation, de la décolonisation et de l'histoire des empires, il a notamment publié "L'Afrique depuis 1940", "Repenser le colonialisme" (avec Ann Laura Stoler), "Le Colonialisme en question : théorie, connaissance, histoire", et, avec Jane Burbank, "Empires : de la Chine ancienne à nos jours".
Sommes-nous africains ? Qu'est-ce que l'Afrique ? De cette double interrogation, née au XVIIIe siècle dans la diaspora africaine déportée aux Amériques, a émergé un vaste mouvement intellectuel, politique et culturel qui a pris le nom de panafricanisme au tournant du XXe siècle. Ce mouvement a constitué, pour les Africains des deux rives de l'Atlantique, un espace privilégié de rencontres et de mobilisations.
De la révolution haïtienne de 1791 à l'élection du premier président noir des États-Unis en 2008 en passant par les indépendances des États africains, Amzat Boukari-Yabara retrace, dans cette ambitieuse fresque historique, l'itinéraire singulier de ces personnalités qui, à l'image de W.E.B. Du Bois, Marcus Garvey, George Padmore, C.L.R. James, Kwame Nkrumah ou Cheikh Anta Diop, ont mis leur vie au service de la libération de l'Afrique et de l'émancipation des Noirs à travers le monde. Mêlant les voix de ces acteurs de premier plan, bientôt rejoints par quantité d'artistes, d'écrivains et de musiciens, comme Bob Marley ou Miriam Makeba, la polyphonie panafricaine s'est mise à résonner aux quatre coins du « monde noir », de New York à Monrovia, de Londres à Accra, de Kingston à Addis-Abeba.
Les mots d'ordre popularisés par les militants panafricains n'ont pas tous porté les fruits espérés. Mais, à l'heure où l'Afrique est confrontée à de nouveaux défis, le panafricanisme reste un chantier d'avenir. Tôt ou tard, les Africains briseront les frontières géographiques et mentales qui brident encore leur liberté.
Créé par décret impérial en juillet 1857, le premier bataillon de tirailleurs n'a de sénégalais que le nom : en effet, ce corps de militaires constitué au sein de l'empire colonial français regroupe en réalité toute la « force noire » - c'est-à-dire les soldats africains de couleur qui se battent pour la France.
Si les études portant sur le rôle des tirailleurs sénégalais dans les deux conflits mondiaux sont légion, rares sont les ouvrages qui retracent toute leur histoire, de la création de ce corps au XIXe siècle à sa dissolution en 1960. S'intéressant aux trajectoires collectives comme aux destins individuels (le militant Lamine Senghor, le résistant Addi Bâ ou encore le Français libre Georges Koudoukou), Anthony Guyon propose ici la première synthèse globale sur le sujet. Il revient sur les moments de gloire de cette armée - comme la défense de Reims en 1918, la bataille de Bir Hakeim en 1942 ou l'opération Anvil en 1944 -, autant que sur les tragédies qui jalonnent également son parcours (citons notamment les terribles massacres commis par la Wehrmacht à leur encontre lors de la campagne de France).
Loin des habituels clichés qui font que, aujourd'hui encore, l'iconographie dégradante incarnée par « Y'a bon Banania » demeure l'un des premiers éléments associés à l'identité des tirailleurs sénégalais, cet ouvrage à la fois complet et accessible illustre toute la complexité de leur position à mi-chemin entre les sociétés coloniales et l'autorité métropolitaine. À mettre entre toutes les mains.
Les Européens se sont longtemps contentés d'aller chercher en Afrique subsaharienne des esclaves pour l'Amérique sans volonté de la contrôler ni de l'explorer.
Avec le processus menant à l'abolition de la traite (1807 pour l'Angleterre), des voyageurs ont porté un autre regard sur l'Afrique intérieure pour en connaître la géographie et les peuples. Si le racisme et les préjugés ne sont pas absents de leurs récits, la bienveillance est parfois là.
Sept explorateurs ont, entre 1795 et 1830, laissé de passionnantes observations sur l'Afrique occidentale. Bien loin du ton dominateur de la seconde moitié du XIXe siècle, ils nous livrent une image riche et suggestive de l'Afrique. Une révélation pour le lecteur européen de l'époque, une surprise pour celui d'aujourd'hui.
Vaste de plus de 3 millions de kilomètres carrés, le Sahel - « rivage » en arabe (al Sàhil) - est un couloir de 4 000 kilomètres de long s'étendant du Sénégal, à l'ouest, au Soudan, à l'est. Rift ethno-racial, le Sahel est également un espace de contact. Il met en effet en relation l'univers nomade de l'Afrique « blanche » (le Bilad el-Beidan) et les sociétés sédentaires de l'Afrique « noire » (le Bilad-el-Sudan). Au nord, il s'abîme insensiblement dans la désolation saharienne, cependant qu'au sud, il se fond par touches dans le monde des savanes.Domaine du temps long, le Sahel a vu se succéder royaumes et empires (Ghana, Mali, Songhay, Bornou, etc.) qui contrôlaient les voies méridionales du commerce transsaharien sur lesquelles s'articulent les trafics et le terrorisme d'aujourd'hui.Pas moins de 35 % de la cocaïne sud-américaine à destination de l'Europe transiterait ainsi par le Sahel, cependant que les modernes marchands d'esclaves y rassemblent les cargaisons humaines qu'ils déversent en Europe. Enfin, depuis les années 2000, les islamo-jihadistes chassés d'Algérie se sont immiscés avec opportunisme dans le jeu politique local, y provoquant la surinfection de la plaie ethno-raciale séculaire, matrice des actuels conflits.Illustré de plusieurs dizaines de cartes, ce livre donne les clés de compréhension de la conflictualité et de ces défis sahéliens, dont les conséquences se font ressentir jusqu'en Europe.
Bernard Lugan est universitaire. Il fut professeur à l'École de Guerre, à l'ESM de Saint-Cyr Coëtquidan, conférencier à l'IHEDN et au CHEM. Il dirige la revue sur internet L'Afrique Réelle.
La décolonisation africaine n'aura-t-elle été qu'un accident bruyant, un craquement à la surface, le signe d'un futur appelé à se fourvoyer ? Dans cet essai critique, Achille Mbembe montre que, au-delà des crises et de la destruction qui ont souvent frappé le continent depuis les indépendances, de nouvelles sociétés sont en train de naître, réalisant leur synthèse sur le mode du réassemblage, de la redistribution des différences entre soi et les autres et de la circulation des hommes et des cultures. Cet univers créole, dont la trame complexe et mobile glisse sans cesse d'une forme à une autre, constitue le soubassement d'une modernité que l'auteur qualifie d' afropolitaine .
Il convient certes de décrypter ces mutations africaines, mais aussi de les confronter aux évolutions des sociétés postcoloniales européennes - en particulier de la France, qui décolonisa sans s'autodécoloniser -, pour en finir avec la race, la frontière et la violence continuant d'imprégner les imaginaires de part et d'autre de la Méditerranée. C'est la condition pour que le passé en commun devienne enfin un passé en partage. Écrit dans une langue tantôt sobre, tantôt incandescente et souvent poétique, cet essai constitue un texte essentiel de la pensée postcoloniale en langue française.
Les masques et la mosquée ;
L'empire du Mâli (XIIIe-XIVe siècle) ;
Que sait-on de l'empire du Mâli?? Partant d'une analyse de la notice Wikipédia consacrée à cette formation politique majeure du Moyen Âge, François-Xavier Fauvelle s'interroge sur les raisons de l'obscurité qui continue de l'entourer. Puis, patiemment, il reconstitue des savoirs modestes et solides, avant d'assembler avec virtuosité les multiples pièces, issues des textes arabes, de la tradition orale et des fouilles archéologiques, du vaste «?puzzle?» documentaire qu'est l'histoire du Mâli.
Qu'ont Soundjata et Charlemagne en commun?? Quel rôle le fameux pèlerinage de Mûsâ à La?Mecque joue-t-il dans la légitimation du pouvoir?? Attentif aux échos de la geste des mansa, les empereurs mâliens, jusque dans Le Roi Lion de Walt Disney, cette enquête éclaire l'histoire dynastique du Mâli impérial des XIIIe et XIVe?siècles, avant de nous faire observer de très près les rituels d'une cour où, les jours de fêtes, les masques dansent devant la mosquée. La compréhension des logiques économiques, religieuses et politiques du Mâli médiéval permet, en point d'orgue, de proposer une nouvelle hypothèse de localisation de la capitale de l'empire, dont la recherche a agité historiens et archéologues depuis le milieu du XIXe?siècle.
Par-delà cette ville depuis longtemps disparue, c'est bien l'intelligence de l'Afrique médiévale que met en jeu cette histoire renouvelée.
Les textes d'Archéologie des trous se déroulent dans une Afrique du Sud oscillant entre fantastique et réalisme cru. Une narratrice aux yeux perçants et médusés ausculte les trous, qui sont partout : dans les corps, les désirs, la terre saccagée, les vies et les mémoires effacées, les amours et les massacres oubliés.
Dans cette fresque hallucinée, on pourra tout aussi bien autopsier son propre cadavre, vivre à l'intérieur d'une vache, fomenter une révolte de travailleurs migrants, découvrir un empire déchu au fond d'un terrain vague, se livrer au trafic de poux, explorer un trou noir en creusant dans son jardin, ou être présent le jour où les Blancs sont repartis par la mer.
Cinquante ans après la pseudo-indépendance accordée au Cameroun le 1er janvier 1960, et après quatre ans d'enquête, le récit d'une guerre cachée que la France y a menée, de 1955 à 1971. Coloniale, puis néocoloniale, cette guerre a fait des dizaines de milliers de victimes, peut-être bien davantage.
Dans les années 1950 et 1960, les dirigeants français ont mené au Cameroun une guerre secrète. Pour garder la mainmise sur ce pays clé de son empire, la France a inventé une politique africaine néocoloniale. Alors qu'elle écrasait dans le sang le mouvement nationaliste porté par l'Union des populations du Cameroun (UPC), elle octroya au pays une « indépendance » de façade et plaça à sa tête une dictature « amie ».
S'appuyant sur d'innombrables témoignages et sur des milliers d'archives, les auteurs détaillent les étapes de cette guerre méconnue. Ils racontent comment furent assassinés, un à un, les leaders de l'UPC : Ruben Um Nyobè en 1958, Félix Moumié en 1960 et Ernest Ouandié en 1971. Ils montrent comment l'administration et l'armée françaises, avec leurs relais locaux, ont conduit une effroyable répression : bombardements des populations, escadrons de la mort, lavage de cerveau, torture généralisée, etc. Et ils expliquent finalement pourquoi cette guerre, qui a fait des dizaines de milliers de morts, a transformé le Cameroun en laboratoire de la « Françafrique », ce pacte néocolonial grâce auquel les élites françaises et africaines s'accaparent les richesses du continent et privent les peuples de leurs droits.
L'histoire médiévale et moderne de l'Éthiopie et de sa région a longtemps été écrite en prenant pour source et pour cadre la tradition scripturaire des moines orthodoxes?: celle d'un royaume chrétien dont les origines légendaires remonteraient au roi Salomon et à la reine de Saba. En plaçant au coeur de l'analyse le Futuh· al-H·abasha, un manuscrit du XVIe?siècle rédigé par un auteur musulman surnommé Arab Faqih («?le Juriste arabe?»), cet ouvrage propose un profond changement de perspective.
Le Futuh· al-H·abasha est le récit épique du début de la conquête du royaume chrétien, au cours des années 1530, par les armées du sultanat du Barr Sa'd ad-Din placées sous la conduite de l'imam Ah·mad. Le texte explique l'ordonnancement des troupes, retrace les différentes batailles et relate ainsi comment l'essentiel des territoires chrétiens est provisoirement passé sous domination islamique au cours de cette guerre qui donne corps au projet d'une « grande Éthiopie musulmane ».
Exceptionnel à plus d'un titre, ce document permet d'appréhender l'organisation du sultanat et donne à voir, au-delà d'un conflit auxquels participent aussi bien un contingent portugais que des combattants venus d'Afrique du Nord et d'Arabie, les interactions entre sociétés chrétiennes et musulmanes ainsi que les éléments d'une culture partagée. En cela, il permet d'interroger, dans la longue durée, les dynamiques religieuses, commerciales, politiques dans la Corne de l'Afrique.
À Paris, on entend de toute part le même refrain : « La Françafrique est morte et enterrée ! » Pourtant, de Ouagadougou à Libreville, de Dakar à Yaoundé, de Bamako à Abidjan, la jeunesse se révolte contre ce qu'elle perçoit comme une mainmise française sur son destin.
Quinze ans après la Seconde Guerre mondiale, la France a officiellement octroyé l'indépendance à ses anciennes colonies africaines. Une liberté en trompe l'oeil. En réalité, Paris a perpétué l'Empire français sous une autre forme : la Françafrique. Un système où se mêlent des mécanismes officiels, assumés, revendiqués (militaires, monétaires, diplomatiques, culturels...), et des logiques de l'ombre, officieuses, souvent criminelles. Un système érigé contre les intérêts des peuples, avec l'assentiment d'une partie des élites africaines et qui profite toujours aux autocrates africains « amis de la France ». Un système que tous les présidents français ont laissé prospérer, en dépit des promesses de « rupture ».
Exceptionnel par son ampleur, inédit par son contenu, cet ouvrage retrace cette histoire méconnue, depuis les origines coloniales de la Françafrique jusqu'à ses évolutions les plus récentes. Rédigées par des spécialistes reconnus - chercheurs, journalistes ou militants associatifs -, les contributions rassemblées dans ce livre montrent que le système françafricain, loin de se déliter, ne cesse de s'adapter pour perdurer.
D'abord des paysages. Ensuite un envoûtement.
Le Kenya, c'est cette fracture géologique de la grande vallée du Rift que le visiteur se prend comme un coup de poing, dès la sortie de Nairobi. L'Afrique en miroir.
Toute l'Afrique, résumée dans l'histoire d'un pays et dans ses convulsions depuis l'indépendance. Le Kenya est un mythe entretenu par les images de films romantiques et de récits de voyage. Mais dans ses soutes, la fureur n'a jamais été contenue. Les rages ethniques, politiquement exploitées, sont toujours à fleur d'actualité. La mémoire des massacres coloniaux y reste vive. L'ambiance coloniale des clubs si britanniques ne pourrait être plus trompeuse.
Ce petit livre n'est pas un guide. C'est une odyssée africaine, une plongée, page après page, dans le coeur du continent noir.
Histoire des révoltes panafricaines propose, à une époque où la quasi- totalité du monde noir vit encore sous le joug colonial, une histoire mondiale de la résistance des Noirs, de Saint-Domingue aux colonies africaines, en passant bien sûr par les États-Unis et les autres îles des Antilles. L'épilogue, écrit par James en 1969, revient sur la décolonisation de l'Afrique, le mouvement des droits civiques aux États-Unis, les conflits dans les Caraïbes, prolongeant, précisant et corrigeant les positions avancées à la fin des années 1930. L'une des premières originalités de l'ouvrage est de rompre avec le cliché des primitifs subissant passivement leur exploitation. « Le seul endroit où les Noirs ne se sont pas révoltés, écrivait James, c'est dans les pages écrites par les historiens capitalistes. » Aussi place-t-il les travailleurs noirs au centre de l'histoire mondiale, incluant, sans les hiérarchiser, un ensemble très divers de rébellions : révoltes d'esclaves, grèves, mouvements millénaristes ou antiracistes. Ce sont les masses qui font l'histoire, dans les conditions et avec les croyances qui sont les leurs ; les leaders, Toussaint comme Nkrumah, Garvey comme Nyerere, ont toujours été portés et produits par des processus collectifs. Manière de sortir aussi bien des approches marxistes axées sur l'ouvrier de l'industrie que des visions hagiographiques exaltant les « grands hommes de l'histoire ». Par son sujet et par son traitement, le livre de James n'a pas pris une ride ; au contraire, il pourrait même être encore en avance sur notre temps.
Étrange destin que celui de la trajectoire du livre The Invention of Africa (1988), ici traduit par Laurent Vannini en français. Son auteur Valentin Y. Mudimbe, est reconnu comme l'un des plus fins analystes des sciences sociales, des humanités classiques et modernes et de la philologie ; Mudimbe est aussi un romancier hors pair. Il a pourtant fallu une génération pour traduire son livre dans la langue et les traditions intellectuelles francophones qui l'ont nourri. Mudimbe explore ici, trois territoires épistémologiques, la philologie grecque et latine, les bibliothèques religieuses et l'ethnographie coloniale, pour s'en prendre avec une certaine allégresse aux littératures en quête d'une Afrique « vernaculaire », d'une modernité néo-pharaonique inaugurée par une Égypte ancienne triomphante, remise sur ses pieds africains, qui fit la leçon aux Grecs, pour établir une production intellectuelle décrochée du monde occidental. Le livre continue de faire l'objet de commentaires et de critiques. Il est probablement l'un des ouvrages les plus cités de la littérature africaniste. Sa lecture est obligatoire dans plusieurs disciplines enseignées dans les universités américaines.