Au cours d'une conversation très libre, Alessandro Pignocchi, auteur de BD écologiste, invite Philippe Descola, professeur au Collège de France, à refaire le monde.
Si l'on veut enrayer la catastrophe écologique en cours, il va falloir, nous dit-on, changer de fond en comble nos relations à la nature, aux milieux de vie ou encore aux vivants non-humains. Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Dans quels projets de société cette nécessaire transformation peut-elle s'inscrire ? Et quels sont les leviers d'action pour la faire advenir ?
En puisant son inspiration dans les données anthropologiques, les luttes territoriales et les combats autochtones, ce livre esquisse la perspective d'une société hybride qui verrait s'articuler des structures étatiques et des territoires autonomes dans un foisonnement hétérogène de modes d'organisation sociale, de manières d'habiter et de cohabiter.
Des planches de BD, en contrepoint de ce dialogue vif, nous tendent un miroir drôlissime de notre société malade en convoquant un anthropologue jivaro, des mésanges punks ou des hommes politiques nomades et anthropophages en quête de métamorphoses.
La figuration n'est pas tout entière livrée à la fantaisie expressive de ceux qui font des images. On ne figure que ce que l'on perçoit ou imagine, et l'on n'imagine et ne perçoit que ce que l'habitude nous a enseigné à discerner. Le chemin visuel que nous traçons spontanément dans les plis du monde dépend de notre appartenance à l'une des quatre régions de l'archipel ontologique : animisme, naturalisme, totémisme ou analogisme. Chacune correspond à une manière de concevoir l'ossature du monde, d'en percevoir les continuités et les discontinuités, notamment les diverses lignes de partage entre humains et non-humains.
Masque yup'ik d'Alaska, peinture sur écorce aborigène, paysage miniature de la dynastie des Song, tableau d'intérieur hollandais du XVIIe siècle : par ce qu'elle montre ou omet de montrer, une image révèle un schème figuratif particulier, repérable par les moyens formels dont elle use, et par le dispositif grâce auquel elle pourra libérer sa puissance d'agir. En comparant avec rigueur des images d'une étourdissante diversité, Philippe Descola pose magistralement les bases théoriques d'une anthropologie de la figuration.
La femme est-elle l'avenir de l'homme ? Au présent, elle a du mal à se faire entendre sans élever la voix... Qu'en était-il dans le passé ? Paléoanthropologue, Pascal Picq enquête ici sur la femme des origines. Dans ce livre, il ne se contente pas de présenter ce que l'on sait des rapports entre hommes et femmes dans les premières sociétés humaines, il entend placer l'histoire et la préhistoire humaines dans la perspective de l'évolution. Pour embrasser le passé évolutif, il faut élargir le regard : explorer le passé, mais aussi comparer l'humain à ses plus proches cousins, singes et grands singes. Car nos points communs avec les espèces apparentées ne sont pas seulement biologiques, ils concernent également les comportements et la vie sociale, et jusqu'aux rapports entre les sexes. La coercition envers les femmes est-elle une fatalité évolutive ou une invention culturelle ? Comment s'est instaurée la domination masculine, qui semble être devenue la règle pour notre espèce ?
Un livre qui bouscule les idées reçues pour penser autrement l'évolution des femmes et leur rôle dans l'évolution.
Le philosophe Raphaël Liogier, auteur de nombreux ouvrages à succès, commet ici une oeuvre essentielle, qui fera date. Il nous montre qu'emportés dans le nihilisme depuis le XIXe siècle, nous sommes convaincus que le monde n'est fait que de choses inertes et conditionnées, qui ne sont par conséquent rien en elles-mêmes. Il n'y a donc rien de rien. Mais aucun humain ne pouvant néanmoins se résoudre à vivre pour rien sous prétexte qu'il n'y aurait rien, nous nous sommes efforcés dès lors, éperdument, de faire semblant de vivre pour quelque chose, pour des valeurs devenues décoratives.
"Travail utile, fatigue inutile" est un texte fondamental. À l'heure des bullshit jobs, ce texte prémonitoire fait figure de manifeste, de bréviaire, alors que le modèle économique dévastateur mis en place depuis un demi-siècle semble parvenu en bout de course. La révolution industrielle, la démesure de la production dans le capitalisme émergent, nourri de la pensée libérale utilitariste, ont consacré l'idée d'un travail de plus en plus aliénant, qui a rompu avec le réel, le monde et la nature.
C'est une histoire de fous. La crise climatique menace de dislocation les sociétés humaines et les écosystèmes, mais on ne fait rien. Si. D'innombrables conférences mises en scène, au cours desquelles on s'embrasse en jetant des confetti. La science a parlé, et il faut réduire massivement nos émissions de gaz à effet de serre, mais on les augmente chaque année. Ce livre raconte pour la première fois les raisons de ce qu'il faut appeler un sabotage. Par les transnationales, mais aussi par l'ONU, dont les responsables du dossier ont partie liée avec les industries les plus destructrices du climat.
La modernité a transformé la nature en objet de domination et a défait les liens émotionnels, spirituels et merveilleux qu'entretenaient avec elle les Occidentaux. Pourtant, les alarmes ne datent pas d'hier. Tout au long de XIXe et XXe siècles, des voix n'ont pas cessé de s'élever, des esprits de se mettre en branle, des pensées de se construire. Ecrivains, théologiens ou philosophes, scientifiques, forestiers, agronomes, ils ont vécu dans des pays différents et ont eu mille raisons de s'intéresser aux organismes vivants et à leurs interactions. Ces figures qui ont porté l'alerte : de Saint François, Rousseau, Thoreau, Kropotkine, Dumont, Singer, Ostrom, Carson, Gorz, Latour... à Greta Thunberg, L'Obs et Les Liens qui Libèrent proposent d'en faire l'histoire.
Les gènes sont une fascinante machine à remonter le temps depuis que nous savons faire «parler» non seulement l'ADN des Sapiens actuels, mais aussi celui de nos lointains ancêtres. En nous faisant partager les derniers résultats des laboratoires comme ses péripéties sur le terrain, Evelyne Heyer dévoile un récit qui semblait à jamais inaccessible : celui de l'aventure humaine. Dans cette grande fresque, vous cheminerez aux côtés de cousins disparus tels Néandertal et Denisova, ou du mystérieux peuple des steppes qui aurait imposé les langues indo-européennes. Au gré des migrations et des mélanges, vous suivrez les juifs de Boukhara et les armées de Gengis Khan. Vous embarquerez avec les esclaves africains depuis leurs pays d'origne, que révèlent les tests génétiques. Une odyssée qui éclaire aujourd'hui nos différences et façonnera demain notre avenir. Une extraordinaire histoire collective dont nous sommes tous les héritiers.
Parasite : nom masculin. « Organisme qui se nourrit strictement aux dépens d'un organisme hôte d'une espèce différente ». Pour Nicolas Framont, étoile montante de la gauche, sont des parasites les membres de la famille Mulliez, de la famille Saadé, Xavier Niel... N'ayant pas peur d'appeler un bourgeois un bourgeois, de définir rigoureusement les contours de cette classe et de nommer ceux qui la servent, l'ouvrage entend documenter rigoureusement les différentes formes de parasitisme qui s'exercent sur notre travail, notre vie politique, nos ressources naturels. Un ouvrage décapant qui ne manquera pas de faire du bruit !
Ce livre haletant nous offre enfin la clé de compréhension des désastres climatiques, écologiques et économiques contemporains. Accuser Sapiens, un humain indifférencié et fautif depuis toujours, est une imposture. Notre histoire est sociale : c'est celle des structures de domination nées il y a cinq mille ans, et renforcées depuis cinq siècles de capitalisme, qui ont constitué un engrenage destructeur de la Terre et de l'avenir de l'humanité, une mégamachine.
Alors que les alternatives ne manquent pas, quel déclic nous faut-il pour changer de cap et abandonner une voie manifestement suicidaire ? La réponse est dans ce récit. Car seul celui qui connaît sa propre histoire peut être capable de l'infléchir.
On sait bien peu de choses sur la façon dont nos ancêtres préhistoriques concevaient la mort. Le faible nombre de sépultures paléolithiques attestées, la difficulté à interpréter les vestiges exhumés ou à attribuer l'enterrement et le traitement réservé aux corps à des rituels funéraires ne permettent guère d'en inférer des représentations.
Pourtant, les humains qui nous ont précédés devaient avoir des croyances à propos de l'Au-delà. Leur refuser de s'être interrogés sur cette perspective, au même titre que nous le faisons, reviendrait à oublier notre appartenance commune à une même espèce. Mais comment combler les lacunes de l'archéologie ? Après Cosmogonies, qui avait démontré la robustesse des méthodes phylomythologiques pour reconstituer les mythes du passé en retraçant la généalogie de ceux qui nous sont connus, Julien d'Huy s'attelle ici à répondre à des questions fondamentales : à quoi les premiers Homo sapiens attribuaient-ils leur finitude ? Dans leur esprit, l'humanité était-elle mortelle dès l'origine et, sinon, comment l'est-elle devenue ? Sous quelles formes se figuraient-ils leur dernière demeure et le chemin qui y menait ? Croyaient-ils en une vie après la mort et à la possibilité de revenir de l'autre monde ? Comment envisageaient-ils les relations entre les morts et les vivants ?
C'est dans ce voyage fascinant, véritable archéologie de la psyché, que nous entraîne l'auteur, en montrant la force avec laquelle certains mythes hérités de nos lointains devanciers continuent de nous influencer dans l'art, la philosophie, la religion, voire la science, sécrétant toujours un puissant imaginaire autour de notre questionnement ultime.
Comment expliquer les ressemblances troublantes que l'on observe entre des mythes dont l'aire de répartition fait parfois le tour de la Terre, alors même que les populations auprès desquelles ils ont été recueillis, distantes dans l'espace ou dans le temps, n'ont pu se côtoyer ? Se pourrait-il que cet air de famille relève non de convergences fortuites, mais de véritables liens de parenté unissant des récits transmis de génération en génération au fil du peuplement humain de la planète ? En empruntant aux biologistes de l'évolution leurs méthodes statistiques de classification des espèces du vivant sous forme d'arbres phylogénétiques, cet ouvrage novateur montre comment des récits apparemment distincts les uns des autres se ramifient autour de troncs communs, qui s'enracinent dans les profondeurs de la Préhistoire.
Mais la reconstitution de ce processus de transmission d'un patrimoine mythologique ouvre une perspective plus vertigineuse encore : la possibilité de reconstruire les protorécits dont les versions documentées sont issues ; autrement dit, faire à nouveau résonner les premiers mythes de l'humanité et appréhender la vision à travers laquelle nos lointains ancêtres donnaient sens au monde qui était le leur.
Et s'il fallait faire « dérailler la machine » ?
«Éloge de l'émeute» est un ouvrage remarquable de puissance et d'évocation. A la lumière de l'histoire et des violences économiques, sociales et symboliques que nous subissons, il appelle à « prendre le maquis dans nos têtes ».
Restons vivantes.
Dans ce livre, Vandana Shiva met en lumière les liens qui existent entre le colonialisme, la domination de la nature et l'oppression des femmes dans la société contemporaine. Elle pose les bases d'un manifeste écoféministe, en proposant une critique radicale du modèle occidental d'essor technologique et économique. Car le « développement », présenté comme un futur souhaitable pour le monde entier, est en réalité un « mal-développement », fondé sur l'exploitation des femmes et de la nature. Face à un tel projet patriarcal et néocolonial, ce sont à l'évidence les luttes et le rôle unique des femmes pour créer des alternatives écologiques au modèle dominant qui permettront de sauvegarder les ressources vitales de la planète.
Une fois de plus, David Graeber bouleverse un élément central de la mythologie néo-libérale : la notion de valeur. Le célèbre pourfendeur du capitalisme réexamine ici un siècle de pensée anthropologique et insuffle une vie nouvelle aux textes classiques sur la valeur et l'échange. Le style vif de Graeber nous entraîne sans effort au coeur de la question qui le préoccupe : est-il possible de proposer une mesure de la valeur commune à toutes les cultures ?
Verdissement de façade, récupération d'un discours environnementaliste vidé de sa substance, déploiement d'innovations aux effets « écologiques » douteux : le greenwashing biaise le débat public et empêche des choix démocratiques éclairés.
Fort de ses vingt-quatre entrées, ce manuel d'autodéfense intellectuelle appréhende le greenwashing dans toute son ampleur. Trente-cinq scientifiques et spécialistes de ces questions révèlent les fausses promesses, les illusions rassurantes et les formes d'enfumage qui nous enferment dans des trajectoires insoutenables. Un outil essentiel pour ouvrir la voie aux bifurcations nécessaires.
Reprendre la terre aux machines.
Le temps joue pour nous : les AMAP, la Bio et les circuits courts apparaissent de plus en plus dans les médias comme dans nos assiettes - l'opinion publique est acquise.
L'appel à la responsabilité individuelle, ce « chacun doit faire sa part », est une fable et ne mettra jamais fin au modèle alimentaire industriel et marchand. Celui-ci est une machine à produire artificiellement au moindre coût, une machine à confisquer les savoirs et savoir-faire, à enrichir les industries technologiques, à déshumaniser.
Il est temps d'échapper à notre enfermement dans les niches d'un marché alimentaire réservé aux classes aisées et de reprendre entièrement la terre aux machines. Ce manifeste propose de sérieuses pistes de rupture.
Les défis s'accumulent à l'horizon pour la France. Hélas, nous ne paraissons pas vraiment en mesure de les relever ! Comme s'il y avait dans le pays un puissant blocage. Et si l''impératif de compétitivité se révélait de plus en plus en décalage avec l'état du monde actuel ? C'est la thèse défendue par Benjamin Brice dans cet essai vif et percutant.
« J'ai mal au dos, mal au genou, mal au bras. Pendant près de vingt ans, j'ai porté, porté, porté des personnes âgées. » Et Macron compte vraiment, pour toutes les Rosita du pays, repousser la retraite à 65 ans ? C'est à dire les condamner à une fin de carrière en pointillé, avec du RSA, de l'invalidité ? 65 ans et au-delà, ça va, quand on est banquier d'affaires ou conseiller chez MacKinsey, mais après des décennies dans le bâtiment, dans le ménage, comme soignants ou enseignants, qui le souhaite vraiment ?
L'évasion fiscale pratiquée par les GAFAM et autres multinationales, la fraude fiscale exercée à une grande échelle, la corruption de nombreux dirigeants et chefs d'État, l'argent collecté par les mafias et trafiquants de drogue ont un point commun : ils empruntent les mêmes circuits et ont recours aux paradis fiscaux complaisants. Renaud Van Ruymbeke, a été pendant près de vingt ans juge d'instruction spécialisé au pôle financier du tribunal de Paris. Il nous entraîne par cette enquête dans les arcanes du monde opaque des paradis fiscaux.
Pétrole. Le déclin est proche.
Le « pic pétrolier » est de retour. Dans les années 2000, l'idée que la production de pétrole plafonnerait bientôt avant de décroître agitait le monde de l'énergie. Le boum du pétrole de schiste aux États-Unis a semblé invalider cette prévision, offrant un sursis à un monde toujours accro à l'or noir. Faute de réserves suffisantes, la production mondiale risque d'entrer en déclin au cours des années qui viennent. À partir de données géologiques et industrielles inédites, les auteurs lancent l'alerte : l'ère de l'abondance touche à sa fin. Si l'économie n'anticipe pas ce sevrage, les conséquences promettent d'être sévères, provoquant en particulier des bouleversements géopolitiques majeurs. Une solution existe : prendre au sérieux nos engagements climatiques, et sortir enfin de la dépendance au pétrole. Ce livre sonne comme un réveil urgent.
Ce livre est à mettre entre les mains de tous ceux et celles qui veulent agir pour le climat. Jon Palais, activiste de longue date, partage des enseignements, tirés d'un long engagement, en matière d'efficacité militante. À partir de son expérience, il propose un guide concret pour agir, selon les principes d'action directe non-violente et de désobéissance civile.
Non, nos grandes entreprises du CAC40 ne sont pas une bénédiction pour la France. Depuis les années 1960, nos « champions nationaux » se sont mués en compétiteurs internationaux soumis à la rigueur de la mondialisation. Les pertes publiques sont immenses, les profits privés considérables. La question de savoir en quoi la bonne santé boursière du CAC40 profite à l'économie réelle se pose plus que jamais. À travers les cas de plusieurs grands groupes français comme Total, LVMH ou Vinci, Attac et l'Observatoire des multinationales propose de faire le point sur cette évolution et nous offre des pistes pour dompter ces géants.
Olivier de Schutter, Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits humains et l'extrême pauvreté, nous dévoile cette adresse écrite au pape François à l'occasion d'une visite au Vatican, où il a pu évoquer les moyens de lutter contre la pauvreté à l'échelle mondiale. Dans ce texte, il exprime sa conviction que l'éradication de la pauvreté ne peut plus passer exclusivement par la croissance économique. Au contraire, celle-ci est souvent contre-productive, dès lors qu'elle a souvent contribué à l'augmentation des inégalités et a aggravé la crise écologique.