Retail apocalypse. Cette expression désigne la vague de fermetures d'un grand nombre de magasins aux États-Unis depuis une dizaine d'années. En France, le mouvement n'a pas la même ampleur mais l'essor du e-commerce concurrence les ventes « physiques » et contribue à faire progresser la vacance commerciale en centre-ville et dans certaines galeries marchandes.
Pour autant, l'avenir des marchés, des boutiques, des centres commerciaux, des friperies, des brocantes, des grands magasins ou des librairies n'est pas scellé. En dépit de la digitalisation des courses, de la remise en cause de la distribution de masse et de l'apparition de nouvelles normes de consommation, le magasin demeure un lieu d'approvisionnement central.
Il est également un lieu social et assume d'autres fonctions capables de garantir son existence. Á travers une vingtaine de chapitres exposant les résultats d'enquêtes sociologiques, cet ouvrage propose une contribution originale au débat en mettant en évidence les fonctions symboliques et l'utilité sociale du magasin. Que fait-il à l'individu ? Que vient-il y chercher que les plateformes ne peuvent lui assurer ?
Les différents cas traités montrent à la fois l'importance des commerces dans la vie quotidienne des individus et leur capacité à être un espace où se jouent la construction identitaire et le besoin d'appartenance.
Ni complainte du progrès, ni tract poujadiste de défense des petits commerçants, cet ouvrage examine les raisons qui poussent chaque individu à consacrer en moyenne deux heures quarante par semaine aux achats hors de son domicile.
Le langage de l'économie est devenu la lingua franca de notre époque. Sans son concours, le monde actuel serait aussi inintelligible que le serait l'univers sans la physique newtonienne. Ce livre expose d'abord comment a germé l'idée audacieuse d'une «science de la richesse» et déploie, en explorant ses lignes de faille, la généalogie intellectuelle d'une discipline qui a donné corps à cette ambition. Mais l'histoire de la pensée économique n'est pas qu'une curiosité intellectuelle. Elle est depuis quatre siècles étroitement associée à la philosophie politique:Montchrestien, Smith, Marx, Walras, Keynes ou Friedman ont, au même titre que Hobbes, Montesquieu, Rousseau, Tocqueville, Rawls ou Hayek, accompagné les bouleversements des Temps modernes et c'est conjointement qu'ils donnent sens à la formation progressive, depuis quatre siècles, d'une société d'individus, à la fois agents économiques et sujets politiques. Il y a toujours eu une tension entre les sphères économique et politique mais l'ère néolibérale, dont nous vivons aujourd'hui le délitement, pousse cette tension à son paroxysme. Ce livre iconoclaste décrypte de manière novatrice les paradoxes et les dilemmes de l'individualisme contemporain. Face au désarroi que révèle la montée des populismes, la tâche du XXI? siècle consiste à renouveler le pari keynésien et à surmonter le divorce actuel entre lucidité économique et volonté politique.
On a beaucoup écrit sur la Révolution industrielle, ses lieux et ses étapes. Ce livre-ci prend le problème tout autrement. Il développe les conditions culturelles de cette révolution technologique et sociale. L'auteur, Joel Mokyr, professeur à Princeton et économiste parmi les nobélisables, est en même temps un historien de l'économie dont la réputation est internationale.
Pourquoi la Révolution industrielle a-t-elle eu lieu en Europe et pas en Chine ou au Moyen Orient dont les conditions intellectuelles et sociales pouvaient faire des régions à prétention industrielle ?
Pour l'auteur, le mérite de l'Europe n'est pas dans l'économie de marché ni dans l'innovation technologique mais dans une culture de la croissance qui s'enracine dans deux raisons, d'une part la fragmentation des États et des rivalités internationales et d'autre part, une République des sciences parallèle et intérieure à la République des Lettres. Les vraies raisons du développement européen tiennent à une forme de libéralisme qui fermente de 1500 à 1700 et s'épanouit avec les Lumières.
Et si notre savoir nous aveuglait sur la réalité marchande? Lorsque nous cherchons un bon roman, un bon film, vin, restaurant, médecin ou avocat, nous ne doutons pas que ces pratiques familières et répétées ne relèvent d'une connaissance sérieuse. Et, cependant, ces produits culturels, ces services professionnels personnalisés et, plus généralement, tous ces produits ici assimilés à des singularités, caractérisés par la valeur symbolique et par l'incertitude sur la qualité, restent étrangement indéterminés. Leur marché conserve tout son mystère. Telle est l'origine de l'économie des singularités. Comme système d'analyse, elle est organisée autour de deux principes généraux qu'impose le particularisme des marchés des singularités. D'une part, la nécessaire intervention, pour que l'échange puisse se former, des dispositifs de connaissance:les appellations, labels, marques, stars, marketing et promotion, critiques, prix littéraires ou cinématographiques, best-sellers, hit-parades ainsi que les réseaux. D'autre part, la primauté de la concurrence par les qualités sur la concurrence par les prix. La démarche s'oppose si frontalement à l'orthodoxie économique qu'elle appelle l'épreuve du réel. De là, des études concrètes qui portent aussi bien sur les dispositifs de connaissance, comme les guides (Michelin, Hachette, Parker), le Top 50 ou les réseaux, que sur les marchés:ceux des grands vins, par exemple, des films, des disques de variétés, des avocats et des médecins, des cours particuliers, des biens de luxe. L'économie des singularités ouvre ainsi la voie à une connaissance nouvelle. Elle rejoint aussi une des grandes inquiétudes anthropologiques du temps associée aux menaces qui pèseraient sur les singularités. Mais, loin du fantasme, elle dispose des outils d'analyse pour prendre la mesure de la réalité de cette évolution, la rendre intelligible et, par là, la soumettre à l'action humaine.
S'il est un événement qui illustre les changements qu'a connus la France depuis vingt ans, c'est bien la métamorphose de Renault. Comment est-on passé de la «forteresse ouvrière» de Billancourt, l'entreprise publique à la française par excellence, à l'entreprise mondiale qu'est aujourd'hui Renault ? Louis Schweitzer est entré chez Renault en 1986 et en a été le patron de 1992 à 2005. Au fil de ce livre d'entretiens, il éclaire de l'intérieur cette mue à laquelle il a présidé, orientant le développement de l'entreprise vers l'international et lançant des paris inédits, tels que l'alliance avec Nissan ou la voiture à cinq mille euros, la Logan. Il y développe en outre une réflexion très personnelle sur cet objet singulier qu'est l'automobile. Quel peut-être l'avenir d'une «société de l'automobile» face aux fléaux conjugués de l'encombrement urbain, de la pollution atmosphérique et de l'insécurité routière ? Un témoignage rare, au plus près de la marche de l'économie, qui est aussi la vision stratégique d'un de ses grands acteurs.
Le Débat avait lancé à ses débuts, en 1980, une enquête auprès d'une vingtaine de jeunes auteurs sur le thème : «De quoi l'avenir intellectuel sera-t-il fait ?» L'idée s'imposait, pour marquer le trentième anniversaire de la revue, de recommencer l'expérience auprès d'un échantillon de la nouvelle génération. Mais c'était aussi l'occasion de demander à ceux qui avaient répondu autrefois de réagir à leur contribution, trente ans après. «Génération 1980» reprend donc les réponses à l'enquête initiale ; «Aujourd'hui» rassemble les réactions de ceux dont une bonne partie de l'avenir est derrière eux ; «Génération 2010», enfin, les réponses de dix-sept jeunes personnalités qui ont l'avenir devant elles.
La culture, solution pour la crise ? Utopique, à l'heure des enjeux de compétitivité et de mondialisation ? C'est oublier que de l'atelier, de la table à dessin ou d'écriture sont issues les formes et les innovations qui ont changé le monde économique d'aujourd'hui. Les 450 participants du Forum d'Avignon 2012 venus de plus de 40 pays différents ont partagé leurs raisons d'espérer dans la culture. Au-delà de son impact économique réel, avec 6,1 % du PIB au niveau mondial pour un chiffre d'affaires de 2 700 milliards de dollars, 4 % du PIB de l'Union européenne et 8 millions d'emplois directs, la culture met en résonance le rôle de l'imagination, la créativité dans la cohésion sociale, et la transmission d'un patrimoine culturel dans une période de perception d'accélération du temps. De nouvelles voies de réflexion s'ouvrent sur la fabrique de la culture et les emplois de demain, en mettant en lumière des initiatives ou des pratiques culturelles fédératrices et des dynamiques territoriales exemplaires. Parmi les participants de l'édition 2012 qui prennent la parole : Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, Paul Andreu, Julien Anfruns, Carlo d'Asaro Biondo, Elie Barnavi, Mircea Cantor, Renaud Capuçon, Rick Cotton, Axel Dauchez, Régis Debray, Kitsou Dubois, Amos Gitaï, Claudie Haigneré, Barbara Hendricks, Pierre Lescure, Richard-David Precht, Stéphane Richard, David Throsby, Zahia Ziouani...
Professeur à columbia, frère du célèbre épistémologue, karl polanyi est un représentant caractéristique du milieu d'europe centrale qui a produit max weber, schumpeter, wittgenstein, popper, carnap.
Il appartient à cette génération d'intellectuels européens qui se sont sentis acculés à répondre au défi que le phénomène national-socialiste lançait à leurs valeurs et à s'expliquer avec la maladie de leur temps.
La " grande transformation ", c'est ce qui est arrivé au monde à travers la grande crise économique et politique des années 1930-1945 : c'est-à-dire, polanyi s'emploie à le montrer, la mort du libéralisme économique.
Or ce libéralisme, apparu un siècle plus tôt avec la révolution industrielle, était une puissante innovation, un cas unique dont l'explication, contrairement à ce que soutiennent les marxistes, ne vaut que pour cette société même : une société oú le marché autorégulateur, jusque-là élément secondaire de la vie économique, s'est rendu indépendant des autres fonctions.
L'innovation consistait essentiellement dans un mode de pensée.
Pour la première fois, on se représentait une sorte particulière de phénomènes sociaux, les phénomènes économiques, comme séparés et constituant à eux seuls un système distinct auquel tout le reste du social devait être soumis. on avait désocialisé l'économie, et ce que la grande crise des années trente imposa au monde, c'est une re-socialisation de l'économie.
La source de l'originalité de polanyi est d'avoir regardé la société moderne ou l'économie dite libérale à la lumière des sociétés non modernes et en contraste avec elles.
C'est ce qui fait, comme le montre louis dumont dans son importante préface, que ses analyses ont pu être appliquées et discutées dans les domaines les plus divers - de l'océanie à la grèce en passant par l'afrique - et survivre à l'époque déjà lointaine de la parution de l'ouvrage (1944) pour nourrir aujourd'hui la réflexion de tous ceux qui, anthropologues, économistes et historiens, s'interrogent sur la spécificité de notre société moderne.
Le régime économique semblait, il y a une génération, voué à un échec irrémédiable. Or les économies industrielles dans lesquelles il est implanté connaissent depuis 1945 une prospérité que l'on ne peut plus attribuer uniquement à une heureuse conjoncture ; que s'est-il passé ?Pour Andrew Shonfield l'explication est à chercher dans une transformation graduelle des mécanismes de décisions à longue portée, dans le secteur privé comme dans l'administration et les entreprises publiques : toutes supposent une référence, implicite ou explicite, à une hypothèse optimiste sur les perspectives d'évolution à long terme de la production et de la demande, au lieu de ne dépendre que des fluctuations cycliques de courte durée. En même temps une meilleure connaissance des mécanismes du développement a permis de rendre plus efficaces les politiques d'expansion et de réglage anticyclique, et d'envisager pour l'avenir le maintien du plein emploi et la poursuite de la croissance comme un objectif réaliste et non comme un accident heureux.Cette adaptation aux impératifs de l'économie du XX? siècle a cependant revêtu des formes très diverses et Shonfield démontre que chaque pays n'a «épousé son temps» qu'en restant fidèle d'une certaine manière à son passé et à son caractère national.En conclusion, Shonfield s'interroge sur les moyens d'assurer la préservation d'un régime de démocratie représentative élaboré à une époque où l'individu dépendait moins qu'aujourd'hui de la concertation des entreprises et des administrations.
Il est un aspect de la crise financière qui a été peu abordé, sinon à la marge, lors de scandales ponctuels comme l'affaire Maddoff:les rapports du capitalisme financier avec la fraude et la délinquance. Or ils sont des plus troubles. Magistrat, auteur de plusieurs livres sur l'évolution contemporaine de la criminalité, en particulier économique, Jean de Maillard apporte un éclairage nouveau sur le développement du capitalisme dérégulé depuis une trentaine d'années. À rebours des idées reçues, il rattache l'écroulement de l'économie de l'automne 2008 à une histoire longue, où la fraude a servi de variable d'ajustement et de mode de gestion de l'économie depuis le triomphe des idées néolibérales. La sphère financière s'est en effet déployée autour du brouillage de plus en plus prononcé des critères du légal ou de l'illégal. Les incantations sur les thèmes de la moralisation et la régulation ne risquent guère d'avoir de prise sur une activité qui s'est constituée précisément pour contourner les normes.
Économies capitalistes, économies socialistes, économies moins développées, ces trois «mondes» définissent certes des contextes différents, mais dans lesquels les principaux instruments d'analyse forgés par la science économique occidentale trouvent néanmoins à s'appliquer, à condition de leur faire subir l'adaptation nécessaire. Telle est l'idée essentielle de cet ouvrage dans lequel l'auteur affirme ainsi l'unité et l'universalité de la science économique, d'une part contre l'Économie politique marxiste qui prétend s'opposer de façon inconciliable à l'Économie «bourgeoise» et, d'autre part, contre les économistes occidentaux classiques pour qui le domaine de leur science se confond avec celui de l'économie de marché.Une telle perspective confère aux études d'Économie comparée une place privilégiée et ce livre est, en un sens, un plaidoyer en faveur de cette branche de l'Économie, que l'auteur estime particulièrement féconde tant comme domaine de recherche que comme principe organisateur des programmes d'enseignement. Mais ce livre est aussi l'esquisse d'un exposé comparatif d'ensemble. Il fait le point sur les principaux problèmes que rencontre l'économiste à propos de l'organisation économique, de la politique économique et de la théorie, en examinant, pour chaque problème, comment il se pose en régime capitaliste, en régime socialiste et dans les pays moins développés.
Publié en 1967, cet ouvrage est devenu un classique. Il a bousculé les idées reçues en montrant, par une analyse du système économique américain, qu'un ensemble quasi omnipotent de grandes sociétés anonymes conditionne désormais le comportement du consommateur et impose largement sa loi à la puissance publique. La «techno-structure», sorte d'autorité collégiale dont les motivations et les objectifs n'ont qu'un lointain rapport avec ceux des actionnaires et des managers d'hier, mène une série d'actions stratégiques (planification, maîtrise des prix, publicité) dont la fin n'est plus la maximisation du profit, mais la croissance pour la croissance. Cette hégémonie a ses dangers (l'un d'eux est la course aux armements). L'économiste se fait donc philosophe et moraliste et appelle à la constitution de «pouvoirs compensateurs» : la collectivité scientifique et enseignante peut en être un.
L'auteur considère comme définitive la troisième édition que voici. Il y riposte à ses critiques, notamment sur la prétendue souveraineté du consommateur, sur le profit maximum, sur le rôle du capitaliste et celui du bureaucrate. Il précise sa pensée sur les deux modes de planification : celui qui répond au marché, celui qui remplace le marché. Il constate aussi deux changements importants : l'épanouissement des conglomérats d'entreprises de second rang, pris en charge par la technostructure, et leur fonctionnement au détriment du profit.
Jean-Marie Dru est le président de TBWA, l'un des plus grands réseaux mondiaux d'agences de publicité. Personne n'était mieux placé que lui pour faire vivre et pour expliquer, de l'intérieur, cette activité mal connue et souvent décriée. Elle incarne pourtant en son essence l'évolution des sociétés démocratiques de marché et constitue l'un des accélérateurs les plus puissants de la production économique. L'auteur nous livre ici la synthèse de plus de trente années d'aventures au croisement de l'art et du commerce. Ses façons de voir comme de faire autrement son métier, au contact des plus grandes marques et des plus novatrices, nous invitent à considérer à notre tour la publicité autrement. L'iPod relance Apple. Adidas se donne un nouveau souffle. McDonald's adopte un profil à la française. Autant d'histoires que raconte avec passion Jean-Marie Dru. Elles éclairent les mutations des marques et des entreprises, que la publicité accompagne souvent, et quelquefois précède.
Le monde actuel vit un paradoxe inouï. D'un côté, la cause semble entendue : il est plongé dans la crise par les comportements erratiques des marchés financiers. De l'autre, des millions d'êtres miséreux rêvent d'avoir accès au marché, au lieu où, à la ville, ils pourraient troquer un petit rien contre un autre qui les tirerait du besoin.
Le marché est une institution d'échange dont toute l'histoire est marquée par les dérèglements des usages qu'en firent et en feront des êtres cupides, intéressés par leur seul enrichissement à court terme et aux antipodes de la fiction chère à la théorie économique d'un individu mû par la seule rationalité éclairée. Le marché est aussi un moyen d'émancipation pour les damnés de la terre ou du travail sans qualité.
C'est ce que rappelle Laurence Fontaine, historienne qui a le goût de l'archive et de l'anecdote exemplaire et la passion des allers-retours explicatifs entre hier et aujourd'hui. Ici, l'économie est à la hauteur de ces hommes et de ces femmes qui veulent améliorer leur sort par l'échange de menus biens ou de produits coûteux, dans la Lombardie ou le Paris du XVIIIe siècle, comme dans les provinces reculées du Bengale, de la Chine ou de la Mauritanie contemporains.
Car le marché est facteur d'émancipation, notamment pour les femmes, qui accèdent à la responsabilité par l'échange, le commerce, la gestion du budget, voire le crédit. Émancipation des pauvres rivés à leur endettement, émancipation de la femme qui desserre l'étau du patriarcat, émancipation globale d'une économie informelle qui accède aux circuits monétaires régulés. Mais émancipation d'une extrême fragilité si elle ne s'accompagne pas de la reconnaissance pour chacun des mêmes droits que pour les autres. N'en déplaise aux repus de la consommation, cette reconnaissance passe aussi par la possibilité d'accéder aux mêmes biens : les exclus demandent une chose première parce qu'ils la savent essentielle pour tout le reste - un accès sans condition au marché.