Les droits de propriété ont des implications fortes dans les théories contractuelles de la firme, et notamment dans la théorie des contrats incomplets et dans la théorie de l'agence, souvent décrites comme le courant économique dominant. Dès lors que l'efficacité de la firme dépend des efforts des parties prenantes (salariés, managers, fournisseurs...) mais que ces efforts sont difficilement observables (donc en partie non contractualisables), l'allocation des droits de propriété et ses effets incitatifs sont la clé d'une organisation efficace. Les implications des droits de propriété portent aussi bien sur la question des modes de rémunération que sur celle des frontières de la firme ou encore celle de la gestion des services publics.
Les postkeynésiens mettent l'accent sur les propriétés intrinsèques de la demande agrégée, l'incertitude radicale et la monnaie endogène. La répartition et les inégalités de revenus influencent l'activité (via la consommation, l'investissement et les exportations), d'où certains effets négatifs de l'austérité salariale. L'efficacité des politiques monétaires est minorée (monnaie endogène et préférence pour la liquidité). La priorité est donnée à la politique budgétaire (effets multiplicateurs) et les limites de l'austérité budgétaire sont mises en avant. Enfin, l'hypothèse d'instabilité financière et les effets de la financiarisation sur la répartition justifient les politiques de régulation financière et les politiques conjoncturelles.
Les théories de la justice (libertariens, Rawls, Sen, Walzer...) s'opposent traditionnellement sur les critères définissant une allocation juste des ressources (respect de la liberté individuelle, égalité des chances, égalité des conditions, etc.) et sur leur hiérarchisation. D'autres (Honneth, Ricoeur, Fraser) mettent l'accent sur la domination culturelle et symbolique subie par les minorités, donc sur la visibilité dans l'espace public et la reconnaissance comme conditions de justice. Une façon de répondre à ces oppositions théoriques est d'adopter une approche empirique de la justice (Forsé et Parodi) consistant à révéler les principes de justice qui font consensus dans la population. Cette approche met parallèlement au jour les erreurs de perception des inégalités de la part des individus.
La théorie évolutionniste développée par Nelson et Winter a ouvert un nouveau paradigme centré sur la rationalité limitée, l'innovation, la sélection et la survie des firmes dans un environnement donné. L'objectif de la firme n'est plus la seule maximisation des profits mais sa survie, compte tenu de ses caractéristiques initiales (technologie, routines organisationnelles), de ses connaissances (individuelles et collectives) et compétences spécifiques issues de son histoire. Les routines de la firme ne sont pas inertes. L'apprentissage l'amène à redessiner sa trajectoire technologique et organisationnelle et sa capacité dynamique pour s'adapter (ou pas) à son environnement : ceci constitue, sur le long terme, sa vitalité entrepreneuriale.
L'Europe sociale est depuis l'origine handicapée par les principes ayant présidé à l'intégration européenne. Si des avancées institutionnelles ont bien eu lieu entre 1986 et 2004 (accord sur la politique sociale annexé au traité de Maastricht, puis traité d'Amsterdam), les réalisations juridiques dans le champ du droit social de l'UE sont restées néanmoins circonscrites. Après l'élargissement de l'UE et avec la crise de la zone euro, le renouveau de l'Europe sociale apparaît pourtant indispensable face aux risques de repli national ou d'hétérogénéité croissante des économies. Mais les choix opérés jusqu'à présent en réponse à ces nouveaux défis vont à l'encontre d'avancées en direction d'une Union plus redistributive et sociale.
La « crise des réfugiés » n'est pas la simple conséquence d'un choc exogène. D'une part, l'ampleur du phénomène en Europe est à relativiser dans le temps et l'espace. D'autre part, si les réticences actuelles à l'accueil de réfugiés, malgré ses conséquences positives à moyen et long termes pour le pays, peuvent s'expliquer par la myopie des acteurs et le coût d'accueil (problème du passager clandestin), un infléchissement restrictif est à l'oeuvre depuis les années 1980. Les règles d'accès sont plus strictes et la complexité croissante de la procédure bureaucratique a accentué le pouvoir discrétionnaire des agents de l'État. Dès lors, non seulement les demandes d'asile rejetées sont plus fréquentes, mais le demandeur vit une temporalité imposée et évidée par l'étirement de la procédure.
Les cybermonnaies sont des pseudo-monnaies particulières : des services de paiement général en unités de compte spécifiques. Le bitcoin est un de ces services se passant d'intermédiaires et dont le minage, au coeur de l'élaboration du registre des paiements (chaîne de blocs), assure la sécurité. Peu utilisé pour les achats de biens et services légaux, il sert principalement aux transferts de fonds entre particuliers.
C'est sur ces usages que la régulation étatique peut opérer : impôts sur les plus-values, lutte contre le blanchiment, etc. Au-delà de l'éclatement des bulles associées à cet actif, le bitcoin souffre de limites pesant sur son avenir (besoins en électricité, etc.). Reste que la technologie associée, la chaîne de bloc, peut servir des applications diverses, en particulier en dehors des cybermonnaies.
La transition énergétique consiste à transformer le « mix » énergétique mondial, et éventuellement à diminuer la consommation d'énergie, non pas principalement du fait de l'épuisement des ressources mais afin de limiter le réchauffement climatique. D'une part, cela implique d'organiser l'abandon progressif des énergies fossiles carbonées, en s'appuyant soit sur le signal prix donné par le marché (taxe, marché de droits d'émission), solution se heurtant à des difficultés micro et macroéconomiques, soit sur la norme. D'autre part, il s'agit de favoriser le développement d'énergies renouvelables peu génératrices de gaz à effet de serre, ce qui nécessite la coordination d'acteurs publics et privés multiples, du niveau local au niveau international.
La courbe de Phillips, devenue dans les années 1960 le support d'un arbitrage politique entre inflation et chômage, a été remise en cause théoriquement (anticipations adaptatives chez Friedman puis anticipations rationnelles chez Lucas) et empiriquement (stagflation des années 1970). Cependant, les modèles de la nouvelle synthèse, tels que le modèle WS-PS et les modèles avec effet d'hystérèse, remettent en cause le caractère naturel du chômage d'équilibre (NAIRU) et/ou le rejet des politiques macroéconomiques arbitrant à court terme entre l'inflation et le chômage. S'observe alors la tendance à un double retour, théorique et empirique, de la courbe de Phillips.
La stagnation séculaire peut être liée, côté offre, à l'affaiblissement de la productivité entamé dans les années 1970. D'un autre côté, une demande insuffisante peut générer une double spirale, déflationniste et de l'épargne de précaution, et s'accompagner d'une hausse durable du chômage, en cas de rigidité nominale à la baisse des salaires. La première explication se heurte aux effets inflationnistes, prédits mais non observés. Et, associée à un pessimisme technologique, un monde sans croissance à long terme apparaît alors comme inéluctable. Selon la seconde explication, la sortie de la stagnation séculaire nécessite des politiques budgétaire et monétaire (non conventionnelle) expansionnistes et suffisamment massives, afin de faire remonter la demande globale et le niveau d'inflation.
L'économie numérique a permis l'essor des marchés multifaces, lesquels mettent en relation des utilisateurs via des plateformes. Sur ces marchés, l'existence d'externalités de réseau directes mais aussi croisées pose, pour les firmes, le problème de « l'oeuf et de la poule », qui justifie une tarification asymétrique.
L'irruption des plateformes conduit à une ré-intermédiation de nombreux secteurs traditionnels (« uberisation ») ainsi qu'à une mutation des administrations (« État plateforme »), et questionne, notamment, la politique de la concurrence (effets de réseau et rendements d'échelle croissants génèrent des rétroactions positives poussant à la concentration) et la politique sociale (plateformes s'appuyant sur le statut d'indépendant face à un modèle social reposant sur le salariat).
Les arguments théoriques en faveur des règles budgétaires découlent des hypothèses d'inefficacité des politiques discrétionnaires de régulation conjoncturelle (incohérence temporelle) ou d'absence de bienveillance des dirigeants politiques dans leurs décisions (biais pour le déficit). Dans la pratique, ces règles sont souvent motivées par la volonté d'attirer des investisseurs sur les marchés financiers et leur variété résulte du grand nombre de compromis possibles entre éléments de rigidité et éléments de flexibilité. Leur efficacité en termes de discipline budgétaire dépend de leurs caractéristiques, des modes de gouvernance mais également du contexte économique, la discipline budgétaire étant remise en cause lors de chocs de grande ampleur (Grande récession).
Le Bonheur en économie s'adresse aux professeurs d'économie et de sciences économiques et sociales afin de leur présenter l'état des recherches sur les liens entre économie et bonheur. Si on a longtemps considéré, à la suite des premiers penseurs économiques, que la richesse amenait l'épanouissement, il s'avère aujourd'hui nécessaire de nuancer cette affirmation. Alors que, de plus en plus, sont remis en question certains indicateurs économiques, en quoi l'indice du bonheur peut-il contribuer à mesurer la performance de nos sociétés d'un point de vue économique et social ? Et comment en définir les critères ? Le bonheur en économie est un thème abordé en SES dans le second cycle, ainsi qu'en cours d'initiation à la comptabilité nationale dans l'enseignement supérieur.
Les prénotions, idées que l'on se fait des choses par et pour l'expérience, s'appliquent aussi au fonctionnement de l'économie. Ces croyances et représentations structurent l'action des agents. Mais dans un contexte de crise, ce qui relevait de l'allant-de-soi économique peut être remis en question...
Les politiques monétaires non-conventionnelles reposent sur un assouplissement qualitatif et quantitatif. Le premier, en touchant aux collatéraux, aux contreparties et aux maturités, modifie la structure du bilan des banques centrales, tandis que le second augmente la taille de ce bilan. Si les principales banques centrales ont eu recours aux deux types d'assouplissement, des différences importantes se manifestent, notamment selon les priorités des autorités monétaires et les caractéristiques des systèmes financiers. En complément des mesures non-conventionnelles, le recours à la forward guidance a été vu comme un moyen d'améliorer l'efficacité des politiques monétaires en tentant d'orienter les anticipations de taux d'intérêt à long terme.
Numéro rédigé par Élisabeth Cudeville et Charlotte Guénard, maîtres de conférences en économie - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
La nouvelle théorie institutionnelle du développement s'appuie sur des travaux macro-économétriques qui se sont multipliés à partir de l'article d'Acemoglu, Johnson et Robinson (2001). Ils établissent une corrélation positive entre la qualité institutionnelle et les performances économiques des pays. Si la complexité de la relation entre institutions et développement rend difficile l'identification des liens de causalité entre ces deux variables, les institutions sont néanmoins aujourd'hui reconnues comme un déterminant essentiel des performances économiques. Toutefois, cette quête d'un lien causal quantifiable a souvent conduit à une vision réductrice des « bonnes » institutions, centrée sur les droits de propriété et niant les spécificités nationales.
La réforme de la fiscalité s'est imposée dans la littérature économique et dans les programmes politiques comme un objectif prioritaire pour restaurer la justice sociale, la compétitivité des entreprises et réduire les atteintes à l'environnement. Or, les défaillances du système fiscal se sont accumulées depuis une vingtaine d'années tandis que l'évitement fiscal croissant a privé les budgets publics de leurs marges de manoeuvre. C'est pourquoi les objectifs de la nécessaire réforme se sont complexifiés ainsi que ses modalités. En outre, la réforme fiscale ne peut plus être envisagée sans prendre en compte l'internationalisation de l'économie et des bases imposables.
L'évaluation socio-économique repose sur la notion de « valeur actuelle nette ». Une telle approche monétaire est rendue problématique par la nature hétérogène des bénéfices collectifs tirés d'un investissement public, ainsi que par la longueur de l'horizon temporel pertinent. Plusieurs évolutions ont eu lieu récemment dans les méthodes de calcul du taux d'actualisation, au moment où l'évaluation devient un impératif légal et que les autorités publiques fixent les procédures d'évaluation. L'extension de l'évaluation socio-économique au-delà de ses domaines traditionnels de l'énergie et des transports (exemple de la LGV Sud-Ouest) pose des défis supplémentaires et amène à d'autres évolutions dans les méthodes d'évaluation (calcul de la valeur de la vie statistique, indice QALY).
Élément de la sociologie du genre, la masculinité ne devient pourtant un objet d'étude à part entière qu'avec les Men's Studies, dans les années 1980. Cette approche se veut empirique et pragmatique : la masculinité n'est pas une notion universelle, ni dans le temps, ni dans l'espace ; en tant que concept relationnel, elle est pensée relativement au féminin, à la classe sociale ou à l'origine ethnique. Dans ce cadre, la typologie de Raewyn Connell distingue les masculinités hégémonique, subordonnée, complice et marginalisée. Diverses évolutions, touchant à la scolarisation des filles, à la désindustrialisation, etc., contribuent à contester la masculinité hégémonique, sans que l'on puisse parler pour autant de crise de la masculinité.
Depuis 2009, des avancées importantes ont eu lieu en matière de régulation financière. Bâle 3 amène au renforcement des ratios de solvabilité et à l'introduction de ratios de levier et de liquidité. L'Union bancaire en Europe remet en cause la doctrine du « Bail Out » au profit de celle du « Bail In ». Le domaine de la réglementation s'étend (shadow banking, produits dérivés). L'échange d'informations contribue à la lutte contre les paradis fiscaux et réglementaires. L'organisation centralisée de la surveillance, plutôt qu'en silos, permet de mieux appréhender le risque systémique. Néanmoins, la maîtrise de ce risque se heurte à certaines limites dans les réformes : ratio de levier à seulement 3 %, faible surcharge en capital pour les banques systémiques, abandon du projet européen de séparation bancaire...
Avec la fragmentation internationale des processus de production, le commerce international est de plus en plus constitué d'échanges d'intrants à l'intérieur des chaînes de valeur mondiales (CVM). Le passage d'une mesure du commerce mondial en valeur brute à une mesure en valeur ajoutée permet de mieux apprécier la contribution de chaque économie aux échanges internationaux et les interdépendances entre les économies, et de réévaluer le rôle des services. Les enjeux concernent également les politiques structurelles, en particulier la politique commerciale, principalement du fait que les importations se révèlent ainsi être un facteur clé de la compétitivité des pays, mais aussi parce que les risques associés à l'insertion dans le commerce mondial apparaissent redéfinis.
Numéro rédigé par Jean-Marc Siroën, professeur de sciences économiques, université Paris-Dauphine et IRD.
À partir des années 1990, les accords commerciaux régionaux se sont multipliés, sont devenus moins régionalisés et ont vu leur contenu s'étendre aux barrières non tarifaires ainsi qu'à des aspects ne relevant pas de la politique commerciale au sens strict. Partant des effets de création et de détournement introduits par Viner (1950), la prise en compte de ces évolutions ainsi que de la question des coûts de transport et celle des règles d'origine rend encore plus incertains les effets économiques de tels accords ; empiriquement, il s'avère que ces effets dépendent de la nature et du contenu des accords. De plus, leur multiplication semble traduire un recul du multilatéralisme et/ou une incapacité de l'OMC à organiser un commerce mondial en mutation.
Le secteur des biens culturels a appelé de nombreuses interprétations, tant sur les ressorts de sa croissance que sur les tenants de ses réussites individuelles. Appréhendant l'activité de création comme un travail, Pierre-Michel Menger propose une analyse originale des univers artistiques. Rappelant que les artistes et les techniciens opèrent en situation d'incertitude, il démontre que la valeur des oeuvres et des carrières est le produit cumulatif de tournois de comparaisons et d'appariements sélectifs. Par extension, cette approche éclaire le statut des intermittents, le modèle du travail créateur, qui implique flexibilité, autonomie dans le travail et incertitude, concernant aujourd'hui un ensemble grandissant d'activités et d'emplois.
Instrument central de la politique climatique européenne, le marché des droits d'émission de CO2 se heurte empiriquement à deux difficultés majeures : un prix du carbone trop faible et volatil. Depuis sa création en 2005, diverses mesures ont été programmées afin de soutenir le prix, en limitant la quantité de quotas en circulation : restrictions des seuils d'émission, retrait temporaire de quotas en circulation (backloading), restriction de l'usage des crédits-carbone internationaux, mécanisme de réserve de stabilité. La volatilité reste néanmoins inhérente à un marché dominé par des contrats dérivés et des opérateurs purement financiers.