D'où tu parles ? : l'interjection bien connue des amphis de 1968 se trouve ici prise au sérieux, comme une invitation à dire non un état ou une situation, et moins encore un bilan, mais une trajectoire, une dynamique. Forte d'une oeuvre philosophique qui déploie les enjeux de la pensée féministe, Geneviève Fraisse relie ses différents points d'articulation - la redécouverte des révolutionnaires de 1848, les rapports femmes/raison, l'historicité des sexes, les notions de genre , de consentement ou d' habeas corpus - et ses résonances biographiques ou implications pratiques, avec le MLF d'abord et jusqu'au Parlement européen. Elle met ainsi en relief une conception de la recherche visant, loin des solutions toutes faites, à augmenter le problème .
Ne pas devenir un peuple de fourmis, manipulé par le verbe, l'image et l'informatique. Oser, résister et s'aventurer ! C'est la philosophie de vie que Jean Malaurie poursuit depuis les années 1950 et son inoubliable combat pour les légendaires Inuit de Thulé, menacés par une scandaleuse base nucléaire au coeur de leur territoire.
Réfractaire-résistant à l'ordre nazi, Jean Malaurie est un grand scientifique, géomorphologue devenu géophilosophe, et un défenseur résolu de l'alliance des sciences humaines et naturelles.
Le fondateur de la collection Terre Humaine réunit ici de précieuses réflexions sur son parcours intellectuel, sur l'écologie humaine ou l'enseignement supérieur et découvre aussi des pans plus intimes de sa personnalité singulière.
En quinze ans, la Grande Armée napoléonienne, machine de guerre inégalée, remporta davantage de victoires que n'importe quelle autre armée avant ou après elle...
En quinze ans, la Grande Armée napoléonienne, machine de guerre inégalée, remporta davantage de victoires que n'importe quelle autre armée avant ou après elle. Austerlitz, Iéna, la Moskowa, Leipzig ou Waterloo ont déjà fait couler beaucoup d'encre, mais ces batailles sont souvent analysées du point de vue de la stratégie et de la tactique.
Or les guerres napoléoniennes furent avant tout une histoire humaine. Pour la seule France, près de 2 300 000 hommes connurent l'angoisse de l'attente et du départ, la traversée du continent de part en part, les affres de la vie en campagne et le chaos de la bataille. Enthousiaste ou résigné, déserteur ou héros, chacun y réagit selon son histoire personnelle. Pendant 15 ans, ces soldats furent les acteurs, centraux mais anonymes, d'une grande loterie humaine dont beaucoup ne revinrent pas. Ils tinrent souvent des cahiers où ils notaient chaque jour les détails des péripéties extraordinaires qu'ils traversaient et, dès le lendemain de la geste impériale, ils furent nombreux à relater leurs aventures militaires. Les sources sont donc abondantes, et contrastent avec le silence des périodes antérieures où la parole des soldats est si rare.
Une histoire à hauteur d'homme, depuis le recrutement et l'abandon de la famille au difficile retour à la vie civile, en passant par l'instruction et l'entraînement, la fraternité et la solidarité, l'importance de la correspondance et des liens maintenus, le rôle central de l'amour, les blessures et traumatismes.
Dès le XVIIIe?siècle, et plus encore au XIXe, des femmes sont des actrices de la presse écrite...
Dès le XVIIIe?siècle, et plus encore au XIXe, des femmes sont des actrices de la presse écrite. Revenant sur la manière dont elles ont réussi à s'infiltrer dans l'article politique, dans la chronique judiciaire ou dans le grand reportage, cet ouvrage propose un panorama des femmes journalistes, du XIXe?siècle à 1944. Pour faire passer leur prose, ces femmes ont parfois privilégié la narration, la fiction, l'écriture intime aussi. Elles ont dû inventer des pratiques, créer des postures, imposer des écritures. Subalternes elles-mêmes, elles ont par ailleurs souvent choisi d'enquêter sur les exclus. Il serait néanmoins caricatural d'affirmer l'existence d'un modèle unique de la femme journaliste qui s'opposerait à son pendant normatif masculin, car il existe une infinité de façons d'être femme journaliste.
Après l'octroi du droit de vote aux femmes françaises, les contraintes et les enjeux ne sont plus tout à fait les mêmes. Pourtant, l'univers de presse reste discriminant, comme en témoignent trois cas plus contemporains : Françoise Giroud, Marguerite Duras et Florence Aubenas.
Si la modernisation est un phénomène social d'emprunt qui a revêtu au cours de l'histoire bien des formes, force est de constater que l'Occident, depuis le XVe siècle, s'est imposé - par les armes bien souvent ou par la propagande - comme le modèle de la modernité. Volontairement ou non, des centaines de sociétés se sont transformées sous son influence, de sorte que, pour la première fois, toutes sont entrées dans la trame d'une histoire commune. Mais quelles ont été les différentes modalités de cette vaste mutation ? Dans quelle mesure certaines sociétés ont-elles pu s'intégrer à ce mouvement d'ensemble tout en conservant des traits spécifiques, différents, voire opposés à ce qui était promu par l'Occident ? Car on peut s'occidentaliser sans devenir occidental. Et comment faire alors la part entre les transformations irréversibles et celles qu'il est aujourd'hui possible de remettre en cause ?
Longtemps, la croyance dans le progrès a laissé croire que développement économique, évolution des moeurs et démocratisation politique allaient de pair. L'effondrement de ce mythe permet aujourd'hui de mieux caractériser ce qui a réellement été en jeu dans la mondialisation portée par le capitalisme industriel, et ainsi d'appréhender les défis qui attendent aujourd'hui des sociétés occidentales en butte à une hostilité exacerbée et sur le point, peut-être, de perdre le leadership économique, politique et militaire qui a nourri leur expansion.
Mettant à profit une vie de recherches sur le fonctionnement des sociétés, Maurice Godelier propose ici une relecture de la naissance et de l'essor du monde moderne, et un bilan sans concession sur le rôle et la place de l'Occident.
Occupant une place éminente dans le panthéon contemporain des sciences sociales, Max Weber ne cesse de faire l'objet d'appropriations contradictoires qui tendent à décontextualiser ses recherches. Cet ouvrage, par contraste, offre la traduction de son premier texte épistémologique, inédit en français, accompagnée de documents et de correspondances, et permet ainsi de replacer la réflexion de Weber dans les débats de son temps. Cet article publié en plusieurs parties entre?1903 et 1906, exactement contemporain de L'Éthique protestante et l' esprit du capitalisme, montre comment un sujet qui pourrait sembler uniquement technique - la méthode spécifique des sciences de la culture - est indissociable d'enjeux académiques et politiques beaucoup plus larges.
Loin d'apparaître comme un partisan d'une sociologie ?compréhensive? opposée à l'?explication?, Weber fait de la compréhension des motivations des agents sociaux une modalité de l'explication causale. Surtout, à travers sa promotion de l'expression ?sciences de la culture? (Kulturwissenschaften), il ne se contente pas de garantir une spécificité à ces sciences : il se saisit d'une question toujours très brûlante, celle de la ?signification culturelle? du capitalisme, c'est-à-dire de la transformation de l'homme par le mode de fonctionnement de l'économie.
Entre guerre et paix Histoire et politique des conflits dans le monde...
Notre monde n'a jamais été aussi dangereux. Nous pensions être sortis de la guerre froide par le haut, et imaginions ne plus avoir à craindre de nouveaux conflits armés... mais la guerre n'est ni un objet lointain, ni un objet du passé. Si l'on en croit l' ?horloge de la fin du monde? créée en 1947 entre autres par Einstein, et mise à jour chaque année, nous serions désormais, et pour la première fois, à moins de 100 secondes seulement de minuit, l'heure de l'apocalypse.
La course effrénée aux armements, la hausse généralisée des budgets militaires, le non-respect des traités de non-prolifération, la diffusion de robots tueurs ainsi que la montée du nationalisme rendent l'humanité plus fragile aujourd'hui que jamais. Or, si nous pouvons probablement survivre aux attaques terroristes et aux pandémies, nous serions particulièrement vulnérables face à une guerre mondiale utilisant des armes nucléaires. Pourtant, la menace d'une telle guerre est bien réelle : dans de nombreux pays, un seul dirigeant a le pouvoir de la déclencher.
Après avoir dressé le portrait de notre monde chaotique, Sundeep Waslekar propose de mettre en oeuvre un contrat social mondial pour que la paix ne soit pas simplement un état de non-guerre. Car la paix relève d'un choix : nous pouvons nous y engager collectivement, et le monde sans guerre vaincra.
Préface de Bertrand Badie Traduction de l'anglais par Anatole Muchnik
La révolution néolithique est sans doute l'un des événements majeurs de l'histoire humaine. Indépendamment, dans plusieurs régions du monde, des espèces animales et végétales sont domestiquées, permettant une maîtrise des ressources alimentaires.
Il en résulte une explosion démographique sans précédent qui conduit en quelques millénaires à des sociétés inégalitaires et violentes où apparaissent des villes et des États. Cet ouvrage, associant les points de vue d'archéologues, d'anthropologues, de linguistes, de généticiens, d'agronomes, s'interroge sur les causes de cette révolution et en décrit les diverses formes dans les principales régions du monde - Proche-Orient, Afrique, Chine, Amériques, Océanie, Japon - grâce aux acquis les plus récents de la recherche.
En résulte une analyse des conséquences sociales, économiques, culturelles, mais aussi écologiques et démographiques de l'invention de l'agriculture et de l'élevage qui est, peut-être, la première grande rupture des équilibres entre l'homme et la nature.
Préface de Dominique Garcia
Watsuji Tetsurô (1889-1960) est l'un des plus grands noms de la philosophie japonaise contemporaine. Fûdo, son oeuvre phare, analyse la relation spécifique entre cultures et environnement...
Watsuji Tetsurô (1889-1960) est l'un des plus grands noms de la philosophie japonaise contemporaine. Fûdo, son oeuvre phare, analyse la relation spécifique entre cultures et environnement. Le point de vue de Watsuji est radicalement neuf. Écartant le déterminisme environnemental, qui considère de l'extérieur le rapport entre nature et culture, il se place au contraire d'un point de vue herméneutique : c'est de l'intérieur qu'il saisit la manière dont les hommes vivent leur environnement et comment leurs créations expriment cette relation. Watsuji fait là oeuvre de pionnier.
Outre sa construction théorique, que cristallise le concept révolutionnaire de fûdosei (médiance), le texte de Watsuji est une extraordinaire plongée intuitive dans le vécu des milieux humains, des fraîches matinées du printemps japonais aux mornes journées d'hiver de l'Europe occidentale, en passant par les plaines immenses de la Chine du Nord, la moiteur des nuits de Singapour, les montagnes décharnées du désert arabique, les eaux trop ?arides? de la Méditerranée...
Dans Mein Kampf, l'autobiographie qu'il rédigea en 1924-1925, Hitler donne de lui-même l'image d'un parfait autodidacte à la vision du monde totalement constituée. Pourtant, le trentenaire qui entra en politique au sortir de la Première Guerre mondiale n'avait pas d'opinions bien arrêtées, ni même de fortes convictions antisémites.
S'appuyant sur les premiers textes d'Hitler, traduits ici pour certains pour la première fois, Anne Quinchon-Caudal retrace les années de formation de ce soldat qui trouva à partir de 1919 une seconde famille auprès du Parti allemand des travailleurs. Celui-ci entretenait des relations plus ou moins étroites avec une nébuleuse d'idéologues nationalistes et racistes, qui entendaient défendre les intérêts du peuple allemand authentique contre une multitude d'ennemis, supposés vouloir la mort de la germanité.
C'est ce milieu qui donna à Hitler les éléments de langage de sa propagande, des mots qui entrèrent en résonnance avec la situation d'une large frange de la population. Une population appauvrie par la guerre et révoltée par ses conséquences, que le politicien harangua toujours plus radicalement lors des meetings du Parti national-socialiste. Mais c'est surtout dans ce milieu qu'Hitler rencontra celui qui allait devenir son maître à penser : l'écrivain antisémite Dietrich Eckart.
Anne Quinchon-Caudal propose dans ce livre une histoire des idées hitlériennes et de leur évolution, de la fin de la Grande Guerre à l'échec du putsch de la Brasserie en 1923.
Ce travail montre Hitler en fils, et non en accident, de notre modernité.
Nicolas Patin, préfacier
Chaque carte présente ses propres blancs, inconscients ou volontaires. Ces lacunes ou ces oublis, d'aucuns l'ont bien montré, ont joué un rôle déterminant dans l'histoire, en particulier coloniale. Hier privilège des États, ce pouvoir de blanchir ou de noircir la carte est aujourd'hui celui des données numériques. Car le déluge d'informations géographiques, produit par une multitude d'acteurs, n'est pas uniformément réparti sur l'ensemble des territoires, laissant des zones entières vides.
S'inscrivant dans le champ émergent des critical data studies, cette recherche singulière, abondamment illustrée, revient sur les enjeux politiques des cartes et nous invite à explorer les rouages les plus profonds de la cartographie contemporaine. En s'attachant à l'Amazonie, Matthieu Noucher déconstruit les vides pour interroger le sens de la géonumérisation du monde. Pour mener son enquête, il s'intéresse à trois dispositifs en particulier : la détection de l'orpaillage illégal, la mesure de la biodiversité et le repérage des habitats informels.
Ce livre débouche sur deux modalités de résistance au comblement des blancs des cartes : la contre-cartographie et la fugue cartographique pour appréhender les blancs des cartes comme une opportunité de diversifier nos manières de voir le monde.
L'arrivée de nombreux migrants aux portes de l'Europe depuis 2010 a suscité d'âpres débats. Entre la peur et la compassion, y a-t-il place pour un principe partagé, universel, qui ferait de ces déplacés, venus de Syrie, de Libye, d'Ukraine, plutôt qu'un problème, une cause essentielle ?
Au nom de quoi s'engage-t-on pour des personnes qui ne sont pas ou pas seulement des travailleurs immigrés ou des réfugiés politiques , mais simplement des personnes en mouvement ? Changer notre relation aux migrants, reconnaître l'existence aux frontières d'une scène politique, et enfin voir la beauté profonde de ces mondes de Babel : voilà ce à quoi Michel Agier nous invite, dans cet essai personnel et engagé.
Le début du XXe siècle correspond à la plus grande expansion des empires coloniaux, aboutissement d'une suite de conquêtes ininterrompues depuis le xvie?siècle. Ces conquêtes imposent aux pays dominés non seulement des modes de gouvernement qui leur sont étrangers, mais aussi la mise en relation économique et culturelle de mondes qui, longtemps, s'étaient ignorés.
Cet ouvrage invite à revisiter ce passé qui constitue un héritage commun à une grande partie des peuples des cinq continents. Loin de n'être qu'un simple complément exotique à la "?grande Histoire?", l'épisode colonial représente la phase préparatoire aux phénomènes actuels, si débattus, de la mondialisation.
Une histoire totale des empires coloniaux à leur apogée.
Les savoirs des sciences humaines et sociales Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l'art, économie, sciences politiques, droit, archéologie... : les disciplines couvertes par les sciences humaines et sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d'analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l'ont habité, l'habitent et l'habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire monde commun , pour reprendre la formule de Hannah Arendt ?
L'ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l'Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d'outils permettant aux lecteurs de penser, d'habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs.
Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.
Depuis plusieurs décennies, le langage de la mémoire est devenu dominant pour dire les rapports sociaux au passé. Demandes sociales de mémoire et concurrence des mémoires ...
Depuis plusieurs décennies, le langage de la ?mémoire? est devenu dominant pour dire les rapports sociaux au passé. ?Demandes sociales de mémoire? et ?concurrence des mémoires? se seraient substituées au grand récit national, plaçant les pouvoirs publics en position d'arbitre entre des aspirations éclatées et rivales.
C'est cette vision convenue, source de tant d'articles, de rapports ou d'essais, que cette vaste enquête entend mettre à l'épreuve des faits. Qui pose les questions mémorielles ?
Quels sont les acteurs et les actrices qui parlent de ?mémoire? au sein de l'État ou en relation avec lui ? Depuis quand, à propos de quoi et de quelles manières ? Avec quelles réalisations concrètes et quels résultats ?
Multipliant les points d'observation, ce travail retrace l'émergence de la mémoire comme secteur d'action publique, ouvre la ?boîte noire? de l'État, interroge la constitution et le développement des associations mémorielles, étudie les pratiques mises en oeuvre à différents niveaux et questionne leurs effets attendus - ou inattendus. Autant de facettes d'une véritable sociologie de la mémoire qui prend le contrepied de nombre d'évidences partagées.
Que partagent une femme d'origine philippine devenue propriétaire de palmeraies à Colima (Mexique) au XVIIe?siècle, un colon s'installant dans l'arrière-pays algérois au mitan du XIXe?siècle et une artiste dont la carrière est marquée par les vicissitudes de l'Union soviétique ?...
Que partagent une femme d'origine philippine devenue propriétaire de palmeraies à Colima (Mexique) au XVIIe?siècle, un colon s'installant dans l'arrière-pays algérois au mitan du XIXe?siècle et une artiste dont la carrière est marquée par les vicissitudes de l'Union soviétique ? L'expérience d'une impérialité banale et quotidienne.
Dans le sillage d'une histoire attentive aux trajectoires individuelles et aux corps, mais aussi aux imbrications des échelles, ce livre a pris forme autour de quatorze portraits d'hommes et de femmes qui ont été enserrés dans le tissu complexe d'un empire. Chacune de ces personnes a appris à manoeuvrer au sein d'un enchâssement de réseaux de sociabilité et de pouvoir.
Une correspondance, un testament, un rapport administratif, les pièces d'un procès ont été autant de fenêtres ouvertes sur les manières d'évoluer dans ces systèmes hiérarchisés, aux rouages plus fragiles qu'il n'y paraît.
Serviteurs ou entrepreneurs, ces hommes et ces femmes révèlent par leurs trajectoires toujours singulières les dynamiques comme les tensions qui traversent ces ensembles hétérogènes que sont les empires.
Considéré comme un des grands anthropologues français du XXe siècle, Philippe Descola réalise son premier terrain en Amazonie. En ethnographe, il vit des années durant au sein de la tribu des Jivaros Achuar, et observe les relations que ces Amérindiens entretiennent avec les êtres de la nature. En ethnologue, il montre que l'opposition traditionnellement établie en Occident entre nature et culture ne se vérifie pas chez les Achuar, qui attribuent des caractéristiques humaines à la nature. En anthropologue enfin, il définit quatre modes de rapport au monde que sont le totémisme, l'animisme, le naturalisme et l'analogisme permettant de rendre compte des relations de l'homme à son environnement.
En un texte clair et didactique, Philippe Descola nous restitue les grandes étapes de son parcours et nous introduit de manière vivante à la pratique de l'anthropologie et à une « écologie des relations ».
Capitale de la Macédoine ottomane, Salonique a connu au XIXe siècle une incroyable métamorphose...
Capitale de la Macédoine ottomane, Salonique a connu au XIXe siècle une incroyable métamorphose. Coeur industriel de l'Empire, foyer de la modernité turque, jusqu'à la reconquête par les Grecs en 1912, la cité est une ville pluriethnique et multiconfessionnelle, un carrefour culturel et un havre aussi où se sont réfugiés, depuis des siècles, les sépharades bannis d'Espagne et les ashkénazes chassés d'Europe. Une véritable Jérusalem des Balkans.
En sélectionnant des images dans la plus riche collection privée de photographies dédiées à l'Empire ottoman, celle de Pierre de Gigord, Catherine Pinguet dresse un portrait de la ville de la seconde moitié du XIXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle restitue le quotidien des habitants et les mutations de la ville, de leur cadre de vie : animation des rues, activités commerciales et corporations de métiers, nouveaux édifices, quartiers résidentiels, périphérie déshéritée où sont apparues les premières industries.
Viennent s'ajouter les clichés d'événements majeurs, tels que la révolution jeune-turque de juillet 1908 dont Salonique a été le berceau, puis l'incendie d'août 1917, qui a détruit à jamais les quartiers historiques de la communauté juive. Ces flammes préfigurent la fin d'une époque, celle des grandes cités cosmopolites de la Méditerranée orientale qui disparaîtront les unes après les autres, dans des circonstances souvent dramatiques
Retraçant un parcours de recherche qui l'a mené de l'Afrique du Sud au Maroc en passant par l'Éthiopie, François-Xavier Fauvelle fait ressortir les enseignements d'une histoire qu'il n'est plus permis de nier ou d'ignorer.
Il pointe les défi s d'une documentation fragmentaire qui suppose d'employer fouilles archéologiques et écrits anciens, traditions orales et usages contemporains du passé, tout en déconstruisant les représentations héritées des siècles de la traite des esclaves puis du colonialisme.
Apparaissent alors les richesses d'une histoire marquée par une singulière diversité d'économies, de langues, de croyances religieuses et de formations politiques.
Réinscrite dans ses interactions avec les mondes extérieurs, cette histoire renouvelle notre compréhension des mondes africains anciens et permet de repenser les phénomènes globaux, tels ceux du Moyen Âge, à partir de l'Afrique.
La défaite de l'État islamique, organisation apparue en Irak à l'automne 2006, ne fait aucun doute : après les pertes de Mossoul et Raqqa, le groupe terroriste n'administre plus aucun territoire ni aucune population. Ses ressources ont été détruites. Son commandement a été laminé au fil de frappes ciblées. Des milliers de combattants ont été tués ou mis hors d'état de nuire. L'État islamique est privé, de facto, de toute capacité réelle d'agir.
Pourtant, cette organisation continue d'inquiéter, notamment avec la reprise des attentats dans ses anciens bastions et l'extension transnationale de son combat. Partout, l'État islamique cherche encore à séduire une jeunesse désocialisée, et de nombreux militants seraient toujours actifs, beaucoup s'étant transportés de l'Irak et de la Syrie vers d'autres terrains. L'idéologie de l'État islamique n'est pas défaite non plus, et l'organisation ne se résume pas à des modes opératoires terroristes : elle continue de représenter un soulèvement, une politique, une révolte, que l'on serait bien imprudents d'ignorer.
Préface de Pierre-Jean Luizard
Nous n'avons qu'un seul Dieu ! Et nous n'y croyons pas ! ; Dieu n'existe pas...
Nous n'avons qu'un seul Dieu ! Et nous n'y croyons pas !? ; ?Dieu n'existe pas... et nous sommes son peuple élu !? : l'humour juif donne ici un modèle pour penser la confusion qui règne en France autour de la notion de judéité littéraire. Car la littérature juive de langue française n'existe pas, et ce livre va vous en parler.
Encore faut-il s'entendre : un écrivain juif de langue française est un écrivain dont la judéité produit des effets dans le champ littéraire francophone. À l'image de sa judéité civique que le citoyen juif négocie dans l'espace politique, la judéité littéraire est confrontée à un large spectre de possibilités, dont le camouflage et l'ostentation constituent les deux extrémités.
En explorant de façon lumineuse et délicate les oeuvres d'Albert Cohen et d'Elsa Triolet, d'Anna Langfus et de Bernard Frank, de Romain Gary, Georges Perec, Patrick Modiano, Serge Doubrovsky ou Nathalie Azoulai, cette enquête met en évidence l'empreinte profonde de la littérature juive de langue française sur des formes d'écriture (l'autobiographie) ou des événements de la vie littéraire (les prix Goncourt). Importance de la mémoire, centralité de la Shoah, poids des discriminations, phénomènes d'appropriation et de réappropriation culturelle, de symbiose et de séparatisme : en elle se résument les enjeux et les thèmes essentiels de notre modernité.
En lanc?ant son Opération spéciale le 24 février 2022, Vladimir Poutine, qui la veille ou presque jurait sur l'honneur n'avoir aucune intention belliqueuse, espérait voir l'Ukraine capituler en quelques jours, les démocraties occidentales reculer une nouvelle fois et son projet d'une nouvelle Grande Russie prendre corps. Quelques semaines ont suffi à mettre en lumière ses multiples erreurs.
Passée la sidération entretenue par un flot continu d'informations, cette guerre entre démocratie et anti-démocratie permet de tirer des enseignements sur l'une comme sur l'autre. Elle vient clore l'ère ouverte avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'Union soviétique, marquée par l'aveuglement et les errements de démocraties libérales qui se sont crues d'abord triomphantes, puis fragiles et fatiguées - au point de capituler devant l'affirmation d'un pouvoir hostile suscitant en leur sein quelque fascination. Elle vient tout autant révéler les insuffisances et la perte de prise avec la réalité du pouvoir poutinien marqué par l' hubris d'un homme en décalage avec son ex-Empire, voire avec sa propre société.
Les démocraties des années 2020 n'auront d'autre choix que de s'armer face aux anti-démocraties, la chose est désormais entendue. Mais leur véritable puissance ne peut venir que d'une confiance renouvelée en leur propre modèle politique, susceptible d'ouvrir une voie d'avenir aux populations qui se débattent aujourd'hui sous la tyrannie.
"?Mon cher confrère?", "?mon cher ami?" : ces formules de courtoisie commencent les lettres ici rassemblées, dans lesquelles le Docteur H.?P., installé dans le nord-ouest de la France au milieu du XXe?siècle, remercie des médecins de lui avoir adressé un patient ou une patiente en consultation. En quelques phrases d'une froideur clinique manifestant son assurance et laissant percer son amusement ou son ennui, il dresse en toute complicité professionnelle le portrait de chacun et chacune (autant de "?cas intéressants?"), avant d'esquisser différentes pistes thérapeutiques.
Se révèle alors un feuilleté de techniques qui plonge ses racines au XIXe?siècle et ouvre sur le règne contemporain des molécules chimiques. Se mêlent lobotomie ("?l'opération n'a aucune gravité en elle-même?"), électrochocs, psychanalyse (à condition d'en avoir les moyens intellectuels et financiers, "?il ne peut en être question chez ce sujet mental fruste?"), cocktails médicamenteux, préconisations de bon sens et aveux d'impuissance devant telle ou telle névrose "?absolument incurable?".
Un témoignage de la souffrance psychique ordinaire où percent d'infimes éclats de vies inconscientes, autant qu'un accès à la fabrique quotidienne du soin psychiatrique, dans un moment de transformation profonde de la prise en charge de la maladie mentale. Un document exceptionnel.
Depuis près d'un quart de siècle, une guerre entre les États-Unis et la Chine est annoncée et redoutée. Elle paraît moins improbable désormais, alors que les rivalités ne cessent de s'exacerber.
Historien des relations internationales, Pierre Grosser revient sur les rapports qu'ont entretenus les deux pays sur le temps long. Très tendues durant les premières décennies de la guerre froide, qui fut chaude en Asie, ces relations semblaient être durablement sur les rails de la coopération après la normalisation des années 1970. Mais les divergences de vue d'un côté et de l'autre du Pacifique n'ont fait qu'entretenir les tensions, jusqu'à la confrontation actuelle.
En mobilisant les riches débats sur les causes et le déclenchement des conflits du XXe?siècle, il liste les éléments qui pourraient mener les États-Unis et la Chine à entrer en guerre (en critiquant notamment la notion de "?piège de Thucydide?", régulièrement mobilisée pour souligner le caractère inévitable d'un affrontement entre les deux puissances), mais aussi ce qui pourrait empêcher qu'elle ait lieu.