Traduction inédite et commentaire de Pierre Boutang Illustrations de Vieira da Silva Ils sont allongés sur des lits et parlent de l'Amour et de la Beauté. Leurs discours se succèdent, parfois se répondent : car il y a plusieurs Amours et plusieurs manières de désirer le Beau. A ces hommes vivant en un temps et un lieu où l'éducation des garçons est indissociable de la sexualité qui règle les rapports du maître et du disciple, une étrangère, Diotime oppose un modèle féminin de la procréation du savoir. À travers elle, Socrate dessine les étapes de l'apprentissage du philosophe capable de se détacher du monde sensible pour devenir l'« amant » par excellence qui guide l'« aimé » dans sa quête du Vrai et du Beau. Par-delà les interprétations prudentes du Banquet que nous a léguées la tradition philosophique, cette traduction inédite invite à une lecture renouvelée de ce dialogue de Platon : un Banquet parfois extravagant, à l'image de son objet, d'une richesse stylistique exubérante, souvent cru dans son langage, foisonnant enfin dans sa recherche du bonheur véritable.
Le rabbin et le psychanalyste - deux professions qui pour beaucoup représentent une promesse de révélation du sens. C'est par exemple la démarche très caricaturale du patient qui souhaite à tout prix que son psychanalyste interprète son rêve et lui en révèle sa signification sans ambiguïté, mettant fin à toute équivoque possible. Celui qui écoute, qui lit, serait donc détenteur d'une lecture « vraie », d'un sens authentique, signant la fin de la possibilité de toute autre lecture.
Delphine Horvilleur explique ici combien cette théorie de l'interprétation comme théorie du signe serait en réalité gage de la mort de l'interprétation, en l'enfermant dans une fidélité stérile et sourde.
Notre siècle a été volcanisé par deux grandes guerres et, aujourd'hui, nous sommes confrontés à des crises qui s'enchaînent, se combinent, se heurtent les unes les autres. La crise politique, la crise culturelle, la crise écologique, la crise morale, la crise planétaire sont autant d'aspects de l'être, désormais crisiaque, de nos sociétés.
Edgar Morin a consacré une grande partie de son oeuvre à traiter et à diagnostiquer la crise. La crise est présente dans ses premiers travaux, bien avant qu'il la théorise. Dans les années 1960, il effectue des enquêtes « à chaud » au moyen de méthodes d'observation quasi cliniques (voir La Métamorphose de Plozévet, Mai 68 et La Rumeur d'Orléans) qui le conduisent à formuler les principes d'une crisologie.
Le thème de la « crise » va guider le parcours de cet ouvrage qui porte sur la pensée politique et sociale d'Edgar Morin. Aujourd'hui, la crise de la mondialisation techno-économique, la crise du coronavirus et, depuis février 2022, l'invasion de l'Ukraine par la Russie accentuent les risques de régressions. Nous vivons dans des sociétés travaillées par des crises qui mettent en péril l'avenir de l'humanité. Le monde s'est engagé dans une voie sans issue. Il est temps de changer de voie. Une nouvelle Voie s'impose, selon Edgar Morin, comme une urgence indispensable (voir Une politique de civilisation, La Voie et Changeons de voie).
Henri Hajdenberg, avocat et militant, a été président du Crif de 1995 à 2001. Il a suscité le discours de Chirac reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs sous Pétain. S'inscrivant dans le processus de paix pour favoriser un rapprochement entre Juifs et Arabes, il a rencontré les dirigeants d'Égypte, Jordanie, Tunisie, Algérie, Maroc, et plusieurs fois le leader palestinien Yasser Arafat. Ce livre est le récit de son parcours.« Il faut absolument lire le remarquable livre d'Henri Hajdenberg - un homme attaché à la République, qui a combattu l'antisémitisme et s'est fait l'avocat fervent du rapprochement entre Juifs et Palestiniens si gravement menacé aujourd'hui. » Lionel Jospin« L'histoire des combats menés par Henri Hajdenberg doit être connue ! Fort de ses seules convictions et de sa volonté, il a réveillé les consciences, lutté sans relâche contre l'antisémitisme et sa version voilée, l'antisionisme, et a permis aux Français juifs de marcher tête haute. » Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis« C'est le livre honnête et sincère d'un des grands leaders de la communauté juive française, qui a insufflé au Crif une influence nouvelle, sans aucun sectarisme. » Serge Klarsfeld« Un livre absolument passionnant, qui ne décrit pas seulement le parcours d'un grand leader étant intervenu dans le processus de paix au Proche-Orient, mais qui retrace toute l'histoire contemporaine de la communauté juive de France et de ses relations à Israël. » Avi Pazner, ancien ambassadeur d'Israël« Le livre d'un acteur engagé, dont la mobilisation a changé la politique française envers Israël. » Avi Primor, ancien ambassadeur d'Israël
« N'êtes-vous pas Monsieur Diderot ? Oui, Madame. C'est donc vous qui ne croyez rien ? Moi-même. Cependant votre morale est d'un croyant. Pourquoi non, quand il est honnête homme. Et cette morale-là vous la pratiquez ? De mon mieux. Quoi ! Vous ne volez point, vous ne tuez point, vous ne pillez point ? Très rarement. » Ainsi commence l'Entretien d'un philosophe avec Madame la Maréchale de ***, une jeune femme « belle et dévote comme un ange » qui demande au philosophe de justifier son athéisme.
Ce savoureux dialogue a le naturel d'une conversation familière ; il en épouse les méandres. Chaque interlocuteur peut interrompre l'autre au moment où l'on s'y attend le moins. Les répliques s'enchaînent de façon imprévisible sans la moindre contrainte extérieure. Diderot ne catéchise pas son interlocutrice. Il a pour elle un respect qui n'est jamais démenti. Comme il est dit dans l'« Avis au lecteur », « il serait à souhaiter que les matières importantes se traitassent toujours (...) dans le même esprit de tolérance ».
On trouvera ici la première édition critique de ce dialogue, établie d'après la version originale diffusée dans la Correspondance littéraire en 1775 et accompagnée d'un ensemble de textes qui en éclairent le sens et la portée.
Un texte introductif à la phénoménologie allemande et tout particulièrement à la pensée de Husserl. A partir d'une critique des théories psychologiques traditionnelles, Sartre en vient à définir l'émotion non comme un simple mécanisme affectif mais comme un mode d'existence de la conscience. Fragment du manuscrit perdu de La psyché.
Rester jeune après 80 ans, sans ride, sans perte de mémoire ni de vitalité, sans trouble articulaire ni douleur. Ce fantasme abreuve une littérature abondante, depuis le mythe de la fontaine de jouvence jusqu'à Faust ou Peter Pan. Mais depuis quelques années, tout un pan de la médecine, soutenue par une industrie pharmaceutique puissante, oeuvre à lutter contre les maladies de l'âge pour repousser toujours plus loin les limites de la vie.Que faut-il penser de ces produits et de nos tentatives pour conquérir l'immortalité? Est-il scientifiquement possible de limiter les effets du vieillissement? Jusqu'à quel point peut-on raisonnablement espérer « vieillir jeune et mourir en bonne santé »? Telles sont les questions que soulève cette Petite philosophie des rides, révélant à la fois nos craintes et nos espoirs, reflets fidèles de notre rapport nouveau à la vieillesse et à la mort.
Ce livre donne la parole aux jeunes. Dans une série d'entrevues semi-dirigées avec des étudiants et des étudiantes d'universités et de cégeps, l'auteur leur a permis de s'exprimer sur leur compréhension du phénomène, sur leurs valeurs, sur les caractéristiques de la société future idéale et sur les conditions pour y parvenir. Quels changements sont nécessaires ? Quels changements sont acceptables ? À quelles conditions ? Qu'il s'agisse de comportements sociaux, d'alimentation, de transport ou autre, qu'il s'agisse de contrôle social, d'éducation ou de technologie, les jeunes interrogés nous parlent. Nous devons les écouter.Le réchauffement climatique est probablement le plus grand défi auquel l'humanité est confrontée et les bouleversements qu'il va occasionner nous contraignent à remettre en question notre mode de vie qui en est la cause directe et qui épuise les ressources de notre planète. Malheureusement, la croissance économique est un dogme, alors que nous devrions plutôt réfléchir en matière de qualité de vie, de sobriété et même, pour certains, de décroissance. Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre ce que souhaitent les jeunes, car ce sont surtout eux qui auront à vivre avec les conséquences des choix que nous faisons actuellement.
Paru en anglais en 1996, ce livre a profondément marqué les recherches en sciences humaines, révélant les impacts que les traumatismes peuvent avoir sur la culture.« Caruth est l'un des chercheurs les plus novateurs sur ce que nous appelons le traumatisme, et sur nos façons de percevoir et de conceptualiser ce phénomène encore mystérieux. » - Robert Jay LiftonCe livre emblématique est « le premier à réaliser l'importance de la théorie du traumatisme pour les sciences humaines. Explorant le traumatisme comme un modèle pour penser les relations entre l'histoire et l'expérience, ses livres ont fait d'elle un leader dans ce domaine qu'elle a en partie créé. »- Jonathan Culler
La prospective stratégique est une discipline qui consiste à explorer les différents avenirs possibles afin de mieux anticiper les changements, à se prémunir des éventuelles difficultés et se préserver contre des erreurs. Sa finalité est d'aider à agir au présent, en tenant compte des conséquences et de l'impact de nos actions. En bref, son objectif est de contribuer à construire le futur que nous voulons - ce qui pose un redoutable défi cognitif. Comment anticiper le changement climatique ? Comment construire des politiques de recherches pour améliorer nos connaissances de l'espace extra-atmosphérique ? Comment anticiper d'éventuelles ruptures technologiques ? Comment prévoir les futures disruptions de modèles économiques ?Nécessaire à la réalisation de tout projet d'envergure pour les organisations publiques ou privées, la prospective stratégique est d'une certaine façon la science qui vise à améliorer concrètement nos processus de délibération et nos prises de décision avant d'agir. C'est pourquoi elle est de plus en plus enseignée dans les écoles de sciences politiques, d'ingénierie, d'architecture, d'urbanisme, d'aménagement du territoire, de gestion ou de management. Le présent livre se veut à la fois un manuel, qui en présente toutes les méthodes et tous les aspects aux étudiants, et un essai qui questionne la rationalité de nos choix à destination d'un lectorat plus large.
L'atelier de Jean-Jacques Rousseau se compose d'une succession de lieux symboles où, au cours d'une vie en mouvement, il a quelque temps posé sa table de travail : parmi eux son donjon à Montmorency, son laboratoire à Môtiers, cette chambre « qui ne ressemblait en aucune manière à celle d'un homme de lettres » rue Plâtrière à Paris... sans compter bois et bosquets des promenades qu'il fréquentait un carnet et un crayon en poche. Mais cet atelier est surtout l'immense espace de papier constitué par ses manuscrits de travail, des milliers de pages autographes aujourd'hui dispersées à travers le monde. Il nous permet de découvrir les chemins de l'invention d'un écrivain penseur critique des Lumières, de suivre brouillons à l'appui la naissance du Contrat social, de l'Émile ou de La Nouvelle Héloïse, et de regarder Rousseau annoter Platon, Montaigne ou Voltaire dans les marges des livres de sa bibliothèque.
D'ordinaire, on s'efforce d'expliquer les fables de La Fontaine aux enfants. Ils n'en ont pas besoin : ils les comprennent d'intuition, même sans saisir parfois la moitié des mots. En grandissant, nous perdons cette fraîcheur de sympathie. Et il faut beaucoup de science et de patience aux adultes pour remonter la pente, pour que l'oeil se fasse à ce ciel nocturne brillant de tant d'étoiles qu'est le recueil des Fables choisies mises en vers.
Cet ouvrage voudrait jouer le rôle d'un télescope secourable pour faciliter cette observation, sans autre prétention que d'aider à lire La Fontaine, à le déchiffrer et à le goûter. Il scrute pas à pas les 22 fables du livre I, de La Cigale et la Fourmi au Chêne et le Roseau, pour en faire ressortir et en faire ressentir la profondeur secrète, les mystères enfouis, les connivences celées et la logique de l'assemblage, analogue à celle d'un jardin à la française. Une invitation à la promenade au jardin des Fables...
Quelles sont nos responsabilités face à l'injustice ? Les philosophes considèrent généralement que les citoyens d'un État globalement juste doivent obéir à la loi, même lorsqu'elle est injuste, quitte à employer exceptionnellement la désobéissance civile pour protester. Les militants quant à eux, qu'ils luttent pour les droits civiques, contre les violences faites aux femmes ou pour le climat, jugent souvent que l'obligation première est résister à l'injustice.En revisitant le concept d'obligation politique, Candice Delmas montre que le devoir de résister a les mêmes fondements que le devoir d'obéir à la loi. Des formes de désobéissance incivile, de l'aide clandestine aux migrants aux fuites de documents non autorisés en passant par l'écosabotage ou les cyberattaques, peuvent parfois être justifiées, voire moralement requises, même dans des sociétés démocratiques.C'est par ces moyens illicites et incivils que les Freedom Riders ont dénoncé la ségrégation aux Etats-Unis, que #BlackLivesMatter a révélé les violences policières ou #MeToo l'ampleur des phénomènes de harcèlement et des féminicides. L'incivilité interpelle, accuse, rend l'indifférence impossible et force à prendre parti.Alors, qu'est-il légitime de faire pour défendre une cause juste dans un État de droit qui en ignore les enjeux?
Qu'est-ce qui fait que nous sommes des êtres conscients ? La conscience est-elle une simple production du cerveau ? En convoquant les neurosciences, la psychologie cognitive et la philosophie, Alva Noë explique comment se constitue et s'organise notre conscience. Il montre comment notre cerveau et notre corps interagissent avec l'environnement qu'ils perçoivent. Ce faisant, il prouve que la conscience et la pensée ne sont pas générées simplement par notre cerveau: cet organe n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres qui rendent possible les accomplissements cognitifs. Alva Noë nous invite à sortir de nos têtes afin de mieux comprendre cette vie dans toute sa beauté et toute sa richesse. Un écrivain séduisant [qui nous convainc] du fossé qui sépare les expériences conscientes d'une simple organisation neuronale The Washington Post
« Comment je travaille ? » Gadda s'est posé la question en 1949 dans l'un de ses plus célèbres essais. Et il répond malicieusement : « Comment je ne travaille pas », révélant l'incapacité de l'auteur à dévoiler le secret de son art, si intimement lié à sa vie, un inextricable « enchevêtrement, ou noeud, ou écheveau, de relations physiques et métaphysiques ».Dans un nouveau volume de la collection Dans l'atelier de... dirigée par Nathalie Ferrand et traduit par Claire Riffard, Paola Italia guide le lecteur dans le labyrinthe de ses archives et de ses bibliothèques, des notes manuscrites aux brouillons, en passant par les corrections, les révisions, les réécritures et les autocensures. Un voyage audacieux et fascinant, qui est aussi une « confession d'auteur » sur les « secrets d'atelier » de son écriture.
« Lucrèce, philosophe épicurien, est aussi un immense poète. Le paradoxe est que sa poésie semble prendre perpétuellement l'épicurisme à contre-pied, comme si le poète, chez lui, donnait tort au philosophe à moins que ce ne fût l'inverse. C'est ce que j'ai essayé d'exprimer (notamment en retraduisant les plus beaux passages de son chef-d'oeuvre) et de comprendre. De la philosophie d'Epicure, la plus lumineuse, la plus douce, la plus sereine, peut-être la plus heureuse de toute l'Antiquité, Lucrèce a tiré le poème le plus sombre, le plus âpre, le plus angoissé, le plus tragique. Cela nous dit quelque chose sur l'homme qu'il fut, certes, mais aussi sur l'épicurisme, sur la philosophie, et sur nous-mêmes. Si nous étions des sages, nous n'aurions pas besoin de poètes. Mais aurions-nous besoin de philosophes ? »
Créé dès juillet 1940, à la demande du général de Gaulle, par le capitaine André Dewavrin (futur colonel Passy), le Service de renseignement a été l'un des piliers de la France libre et, à travers ses agents, le véritable lien entre les deux résistances, extérieure et intérieure.
Devenu en 1942 le Bureau central de renseignement et d'action (BCRA), cet organisme, au-delà de sa fonction première de renseignement, conçoit et met en place des opérations militaires visant à affaiblir l'ennemi tout en préparant la Résistance française aux combats de la Libération.
Le BCRA est l'organisation qui a compté dans ses rangs durant la guerre le plus grand nombre de compagnons de la Libération (plus de 170). Il est aussi l'ancêtre de l'actuelle Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dont les personnels militaires, depuis 2018, portent la fourragère vert et noir de l'ordre de la Libération.
Qui étaient ces agents secrets de la France libre ? De quelle façon étaient-ils recrutés et entraînés ? Quelles étaient leurs missions ? Quel était le quotidien dans la clandestinité de ces hommes et de ces femmes, tous volontaires, entourés de tous les dangers et dont presque trente-cinq pour cent n'ont pas survécu à la guerre ?
Le catalogue de l'exposition Les agents secrets du Général, réalisée en partenariat entre l'ordre de la Libération et la DGSE, s'efforce de répondre à ces questions, et de mettre en lumière ces hommes et ces femmes de l'ombre au destin hors du commun, à travers une iconographie, des objets et des documents exceptionnels.
Depuis l'avènement de la démocratie en France, peut-être en raison d'une faiblesse de représentativité des élus, la vie politique est marquée par la recherche récurrente d'hommes providentiels, capables de gouverner avec une légitimité supérieure à celle du Parlement. Cet imaginaire du Grand Homme, qui fait implicitement allusion aux fondements mystiques du pouvoir monarchique, a forgé l'esprit constitutif des institutions de la Ve République. Force est de constater pourtant qu'un tel dispositif a fini par aggraver la dépossession à laquelle il promettait de mettre un terme. Depuis plusieurs décennies, la crise de la représentation des couches majoritaires de la société se fait ressentir à nouveau, n'offrant pour alternative qu'un retour à un pouvoir autoritaire, de facture populiste, consacrant l'impuissance et la démagogie. Est-ce à dire que la France soit condamnée à vivre une polarisation de sa vie politique, oscillant sans cesse entre élitisme et populisme ? Cet essai propose les ressources conceptuelles permettant de sortir d'une telle impasse en détaillant les moyens d'une mise en pratique renouvelée, plus démocratique, de notre monarchie républicaine.
« J'ai écrit ce livre pour briser le silence qui règne sur la montée de l'islamisme, sur ses ravages parmi les jeunes et sur les dégâts qu'il provoque dans notre école publique. Pendant longtemps, le silence a été la seule réaction : la célèbre formule Surtout pas de vagues ! a permis pendant vingt ans de mener une confortable politique de l'autruche.
J'ai écrit ce livre parce que je suis attaché à la laïcité : ce principe républicain nous protège et protège nos libertés, celle de croire ou de ne pas croire, celle de pratiquer librement un culte, celle de changer de conviction, celle de critiquer les religions ou l'absence de religion et, pour les parents, celle de confier leurs enfants à l'école publique sans crainte qu'ils y soient harcelés ou endoctrinés.
J'ai écrit ce livre parce que le temps presse et qu'il y a maintenant urgence à agir. » (J.-P. Obin)
L'intime ne se réduit pas au privé : loin d'être un repli intérieur, il est le fruit d'une rencontre. Il n'y a pas d'intime sans altérité, donc sans exhibition ni sans pudeur. L'intime structure l'identité psychique dans son rapport à autrui, au point que Lacan a créé le mot extime pour faire résonner sa part d'étrangeté. Plus qu'une rencontre des corps, l'intime est une fabrique du langage, qui confère au sujet un certain équilibre et un goût pour le monde, facilitant sa socialisation.
Dès lors que se passe-t-il quand l'intime chute, quand on le brise, le viole, le force ou le fait taire ? Quels sont les effets d'une intimité brisée et trahie sur un sujet ? Comment ce dernier peut-il résister à une forme de mélancolie qui s'étend à toutes ses représentations, y compris politiques ?
La philosophie du soin, que l'on parle aujourd'hui de care, d'attention ou de sollicitude, est maintenant bien installée dans le paysage intellectuel. À tel point que parler de moment du soin, à l'intersection entre philosophie, sciences humaines et sociales, arts et politiques, est devenu un point d'accord. Cet ouvrage, en s'installant au coeur d'une philosophie du soin, cherche à en tirer les conséquences dans quatre champs explorés singulièrement : le travail, le numérique, l'architecture et l'écologie.
En quoi penser et agir en termes de soin a-t-il des effets sur notre manière d'éclairer ce qui s'engage dans les métiers et les professions dans une philosophie du travail ? Quels aspects du soin le numérique, de la robotique à l'intelligence artificielle et aux logiciels, vient-il soutenir, déplacer ou abîmer ? Comment le soin s'explicite dans des manières spécifiques de ménager l'espace, dans les questions d'architecture et d'urbanisme ? Enfin, à quel point d'intersection, entre santé et environnement, le soin permet-il d'accompagner la transition écologique ?
La liberté est-elle un pouvoir neutre et indifférencié de choix et d'action qui est octroyé à tout individu, et qu'il exerce identiquement avec tout autre, ou n'est-elle pas plutôt une capacité qui n'échoit qu'à lui seul d'accomplir son être propre dans ce qu'il a d'unique ? En souscrivant à la seconde branche de cette alternative, Claude Romano s'efforce de préciser les conditions de possibilité de qu'il appelle « liberté intérieure », c'est-à-dire la capacité de vouloir et de décider en l'absence de conflit intérieur, de telle manière que cette volonté et cette décision expriment l'être que nous sommes et manifestent un accord de cet être avec lui-même. En soulignant les limites de la conception largement dominante, de Platon à Harry Frankfurt, de cette liberté comme une subordination de nos désirs et tendances affectives spontanées aux « désirs de second ordre » qui découlent de notre réflexion rationnelle, l'auteur défend une conception originale de l'autonomie qui rejette une telle hiérarchie. Il étaye son propos par l'analyse d'un exemple littéraire, la décision finale de la Princesse de Clèves dans le roman éponyme de Mme de Lafayette.
La visée des théories du genre et des idéologies queer est à la fois théorique et éthique : rendre un plus grand nombre de vies vivables. À l'heure du triomphe des thérapies cognitivo-comportementalistes et des transformations profondes de la famille, les psychanalystes peuvent-ils se servir de ces avancées pour réinventer une psychanalyse après l'oedipe ? Poser cette question, c'est se demander en quoi et pourquoi le travail de Judith Butler, Teresa De Lauretis, Gayle Rubin, Paul B. Preciado et d'une multitude d'autres théoricien(ne)s, dé-fait la psychanalyse. C'est s'offrir des pistes concrètes pour revenir sur des formules et des évidences cliniques parfois trop vite tenues pour acquises. C'est resituer la praxis analytique à la croisée de la théorie, de la clinique et du politique. En retour, c'est mettre les concepts des queer face à la tâche impossible qui anime l'analyste, les confronter au réel singulier qui prévaut dans chaque cure. Il ne s'agit donc pas de transformer la pratique en philosophie ou de faire des dé-constructions du genre une clinique, mais de démontrer l'utilité de l'une et l'acuité de l'autre.
La première affirmation de ce livre est que, loin de se confronter aux choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, les êtres humains ont toujours vécu dans un monde déjà habité par le langage, donc culturellement institutionnalisé. Ajoutée aux effets du narcissicisme et y remédiant, cette prise dans le langage subvertit si radicalement le statut biologique du sujet parlant qu'elle substitue au caractère naturel du lien entre le besoin et son objet, le concept d'un choix d'objet.
Dans son ensemble, ce livre est le récit de la saga qui va de l'instauration de l'Oedipe comme initiation du particulier à l'universel jusqu'à sa dégradation comme complexe psycho-pathologique, sans oublier sa disparition même depuis la prise du pouvoir politique par le néo-libéralisme dans les pays anglophones au bénéfice d'une sexualité hédoniste dans une société de marché.